Politique

D’un Front populaire à l’autre : le rôle de la Ligue des Droits de l’Homme

Historien

Le 30 juin, la Ligue des droits de l’Homme a renouvelé son appel à assurer la défaite du RN. Cosigné par plusieurs dizaines d’associations et de syndicats, cet appel résonne avec l’action unitaire menée par la LDH à l’époque du premier Front populaire, dépassant les structures partisanes et mobilisant la société civile.

Le 9 juin, au soir d’élections européennes marquées par une forte progression de l’extrême droite en France et par la décision inattendue du président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale, le député la France insoumise François Ruffin lance un appel solennel à la reconstitution d’un Front populaire.

Les acteurs et observateurs évoquent rapidement un « Nouveau Front populaire ». Simple rejeu symbolique mémoriel, en l’occurrence conjoncturel, ou réanimation voire ressourcement en profondeur d’un schéma révérenciel populaire, celui de gauches (de nouveau) (ré)unies pour « faire barrage au fascisme », comme en 1936 ? S’agit-il du simple culte d’un momentum voire d’une mythologisation d’un temps de l’histoire dont les échos se font encore entendre, un temps marqué par des convergences, en particulier partidaires, aboutissant toutefois à un gouvernement éphémère et au bilan mitigé, pour de multiples raisons ? Assiste-t-on plutôt à l’instrumentalisation par des forces politiques à la fois d’une expérience réifiée et même glorifiée – et dans quelle mesure ? –, et de l’homme qui en a été l’incarnation, Léon Blum[1] ?

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D’un côté, dans un confusionnisme assumé, le président de la République Emmanuel Macron affirme en effet que, « s’il y en a un qui doit se retourner dans sa tombe, c’est Léon Blum, en pensant qu’on a appelé Front populaire une alliance électorale qui permettra de donner 300 circonscriptions à LFI, donc à des gens qui ont assumé très clairement de ne pas condamner l’antisémitisme. C’est pas [sic] ça le Front populaire, ça a un sens dans notre histoire, ça a un rôle, ça a une dignité. C’est pas ça [sic] » ; de l’autre, Jean-Luc Mélenchon déclare que « quand Léon Blum devient chef du gouvernement, il n’est pas au niveau de Manuel Bompard ni de Mathilde Panot ou de Clémence Guetté, il était critique d’art et militant marxiste du Parti socialiste » …

Loin de minimiser l’héritage du gouvernement du Front populaire, au contraire, il nous appara


[1]Voir l’entretien en ce sens du chercheur en philosophie politique Milo Lévy-Bruhl au Nouvel Obs, 22 juin 2024.

[2]Voir Frédéric Munier, « Le Front populaire », in Jean-Jacques Becker et Gilles Candar, Histoire des gauches en France, La Découverte, 1ère éd. 2004, et Jean Vigreux, Le Front populaire, PUF, 1ère éd. 2011.

[3]Pour son histoire au premier XXe siècle, voir outre notre thèse publiée sous le titre Pour l’humanité. La Ligue des droits de l’homme, de l’affaire Dreyfus à la défaite de 1940, PUR, 2014, nos différentes contributions dont « La Ligue des droits de l’homme : us et coutumes d’un « monument constitutif de la République » (Léon Blum) jusqu’à la Seconde Guerre mondiale », in Olivier Dard et Nathalie Sévilla (dir.), Le phénomène ligueur sous la IIIe République, Centre régional universitaire lorrain d’Histoire, 2008. Pour une vision sur plus d’un siècle de son histoire, se reporter à l’exposition en ligne montée avec Gilles Candar.

[4]Claire Andrieu, Gilles Le Béguec, Danielle Tartakowsky (dir.), Associations et champ politique. La loi de 1901 à l’épreuve du siècle, Publications de la Sorbonne, 2001.

[5]Nathalie Sévilla et Emmanuel Naquet, « La Ligue de l’enseignement et la Ligue des droits de l’homme au temps du Front populaire : deux associations parapolitiques face aux enjeux politiques posés à la gauche citoyenne » in Gilles Morin et Gilles Richard (dir.), Les deux France du Front populaire, L’Harmattan, 2008.

[6]Emmanuel Naquet, « Les Ligues », in Vincent Duclert et Christophe Prochasson, Dictionnaire critique de la République, Flammarion, 2002 et « Ligues et associations », in Jean-Jacques Becker et Gilles Candar, op. cit.

[7]Emmanuel Naquet, « Droits de l’homme et politique en France : quelques réflexions sur des liaisons dangereuses », Histoire@Politique, n° 51, 2023.

[8]Brigitte Gaïti et Liora Israël, « Sur l’engagement du droit dans la construction des causes », Politix, n° 62, 2ème trimestre 2003 ; Liora Israël, L’arme du droit, Presses de S

Emmanuel Naquet

Historien, Chercheur au Centre d'histoire de Sciences Po Paris et membre des comités de rédaction d'Histoire@Politique

Mots-clés

Gauche

Notes

[1]Voir l’entretien en ce sens du chercheur en philosophie politique Milo Lévy-Bruhl au Nouvel Obs, 22 juin 2024.

[2]Voir Frédéric Munier, « Le Front populaire », in Jean-Jacques Becker et Gilles Candar, Histoire des gauches en France, La Découverte, 1ère éd. 2004, et Jean Vigreux, Le Front populaire, PUF, 1ère éd. 2011.

[3]Pour son histoire au premier XXe siècle, voir outre notre thèse publiée sous le titre Pour l’humanité. La Ligue des droits de l’homme, de l’affaire Dreyfus à la défaite de 1940, PUR, 2014, nos différentes contributions dont « La Ligue des droits de l’homme : us et coutumes d’un « monument constitutif de la République » (Léon Blum) jusqu’à la Seconde Guerre mondiale », in Olivier Dard et Nathalie Sévilla (dir.), Le phénomène ligueur sous la IIIe République, Centre régional universitaire lorrain d’Histoire, 2008. Pour une vision sur plus d’un siècle de son histoire, se reporter à l’exposition en ligne montée avec Gilles Candar.

[4]Claire Andrieu, Gilles Le Béguec, Danielle Tartakowsky (dir.), Associations et champ politique. La loi de 1901 à l’épreuve du siècle, Publications de la Sorbonne, 2001.

[5]Nathalie Sévilla et Emmanuel Naquet, « La Ligue de l’enseignement et la Ligue des droits de l’homme au temps du Front populaire : deux associations parapolitiques face aux enjeux politiques posés à la gauche citoyenne » in Gilles Morin et Gilles Richard (dir.), Les deux France du Front populaire, L’Harmattan, 2008.

[6]Emmanuel Naquet, « Les Ligues », in Vincent Duclert et Christophe Prochasson, Dictionnaire critique de la République, Flammarion, 2002 et « Ligues et associations », in Jean-Jacques Becker et Gilles Candar, op. cit.

[7]Emmanuel Naquet, « Droits de l’homme et politique en France : quelques réflexions sur des liaisons dangereuses », Histoire@Politique, n° 51, 2023.

[8]Brigitte Gaïti et Liora Israël, « Sur l’engagement du droit dans la construction des causes », Politix, n° 62, 2ème trimestre 2003 ; Liora Israël, L’arme du droit, Presses de S