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La République islamique d’Iran est-elle réformable ?

Philosophe

Et si le grand gagnant de la récente élection présidentielle iranienne n’était pas le « réformateur » Massoud Pezeshkian mais la grande abstention de la société civile iranienne ? Force est de constater que la majorité des Iraniens et des Iraniennes, c’est-à-dire 60 % de la population, a dit « non » aux règles du jeu du régime islamique, pour dire « oui » à un autre avenir qui ne se joue pas sur la scène électorale.

Le régime politique qui, dans ses plus hauts rangs, est en train de préparer la substitution du guide suprême âgé de 85 ans, et pour cela fait tout pour réduire au maximum les effets de tout événement imprévisible, se trouve le 19 mai rattrapé par un accident d’hélicoptère à bord duquel voyageait Raïsi le président iranien surnommé le « boucher de Téhéran », boucher notamment à cause de son implication en tant procureur de Téhéran dans l’exécution de près de 5 000 prisonniers politiques lors de l’été noir de 1988.

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La vision paranoïaque de la République islamique peine à se confronter au non-fondé d’un hasard qui fait voler en éclat toute sa machination de la scène politique. Zarif, ancien ministre des affaires étrangères du gouvernement de Rohani (2013-2021), blâme les sanctions américaines en les désignant comme responsables de la dégradation de la flotte aérienne iranienne (une hypothèse relayée par son homologue russe, Poutine et Loukachenko qui, en soulignant que l’hélicoptère était américain, vantent, tous trois, la qualité de la flotte aérienne russe)[1].

Dans sa première réaction suite à la chute de l’hélicoptère, Khamenei assure dans un message public qu’aucune perturbation n’aura lieu dans l’administration du pays. En tant que Vali-e faqih (le tuteur juriste et théologien), Khamenei devait, en théorie, occuper un statut spirituel ; mais dès lors il intervient directement dans les affaires gouvernementales et se dévoile comme le véritable administrateur du pays. Or, cela ne date pas d’hier et ce n’est en définitive pas dû à la mort du président. Bien que quelques présidents réformateurs aient eu parfois des marges de manœuvres très étroites, le guide suprême est le numéro Un de l’Iran depuis l’instauration de la République islamique. Sa pieuvre économico-politique – les Gardiens de la révolution islamique – qui ne rendent des comptes à personne et ne sont responsables devant aucune juridiction, a rendu la fonction de président accessoire et formell

Behrang Pourhosseini

Philosophe, Enseignant à l'université Paris 8.

Notes