Société

Dans quelles sphères vivons-nous ? Sur la société intrasectionnelle

Politiste

En ajoutant une dimension intrasectionnelle à la notion d’intersectionnalité, il devient possible de défendre un universalisme minoritaire dans une société composée d’une diversité d’individus – eux-mêmes pluriels – situés, et permettant de mieux articuler les expériences minoritaires aux identités minoritaires. Et d’ouvrir dès lors une voie, parmi d’autres, vers une société plus juste et prête à faire face aux enjeux écologiques du siècle.

Le réchauffement climatique et la destruction des écosystèmes menacent l’humanité tout entière. Pourtant, quelques riches entrepreneurs croient pouvoir y échapper en se barricadant dans des îlots coupés du reste du monde. D’autres trouvent dans la foi les moyens de se rassurer sur leur sort : la ferveur rédemptrice les sauvera de l’apocalypse. D’autres, enfin, nient ou minorent les conséquences du changement climatique en s’abritant, littéralement, derrière un écran.

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Pris dans un flot permanent d’informations où une catastrophe en chasse une autre, ils sont comme anesthésiés et peinent à identifier les leviers d’action à leur disposition. Leur inertie fait écho à la dégradation exponentielle de l’environnement : lente d’abord, accélérée ensuite, déconnectant encore davantage les individus des conséquences de leurs actes[1].

Comment agir au nom de toute l’humanité quand celle-ci ne parvient pas à s’accorder sur son destin ?[2] Le cosmopolitisme est-il un antidote suffisant ?[3] L’émergence d’une responsabilité globale est limitée par les capacités morales des individus, comme le montre avec force le roman de Max de Paz, La Manche[4] : chaque jour, nous prêtons attention aux un·es et détournons le regard des autres. Dans un monde d’interconnexions, la proximité est-elle vraiment redéfinie ? La circulation des fictions par-delà les frontières (celle, par exemple, d’un film ou d’un livre à succès) transforme-t-elle la façon dont se forge le sentiment d’appartenance ?

À l’occasion de la remise de son prix Nobel, Albert Camus déclarait qu’il préfèrerait toujours sa mère à la justice[5]. Cette assertion soulève, aujourd’hui plus que jamais, une question fondamentale : dans quelles sphères vivons-nous ? Agir efficacement contre le réchauffement climatique implique de tenir compte des différents cadres moraux dans lesquels s’exerce la justice et de disposer d’une grille de lecture pour mieux saisir la façon dont ces cadres s’articulent les uns aux autres.

C’est le travail qu’a engagé le philosophe américain Michael Walzer dans un ouvrage paru en 1983 et traduit en français en 1997 : Sphères de justice. Une défense du pluralisme et de l’égalité[6]. Il y démontre que l’idée de justice a des significations différentes dans différentes sphères de vie : famille, travail, commerce, amitiés, loisirs, etc. En résulte que la circulation de ce qu’il appelle les « biens sociaux » – les objets, l’argent, les valeurs ou bien encore le pouvoir – n’obéit pas aux mêmes règles d’une sphère à l’autre. Il ne suffit donc pas de défendre des principes de justice transversaux à toutes les sphères, encore faut-il s’assurer que les avantages acquis dans une sphère n’octroient pas des privilèges dans d’autres.

Cette approche anti-hégémonique répond directement au philosophe John Rawls et à son concept de « voile d’ignorance » qui visait à déterminer les conditions morales idéales dans une société juste[7]. Pour Walzer, ces conditions ne sont jamais réunies, mais il reste possible d’infléchir considérablement les inégalités en les contenant à chaque sphère au point qu’elles deviennent négligeables. Ainsi, une disparité de ressources dans l’espace domestique (par exemple, un enfant élevé dans une famille à la fois modeste et nombreuse) sera réduite à sa plus simple expression si elle est privée de conséquences à l’école et en matière de loisirs. Cette approche a parfois été décrite comme un renoncement à l’égalité[8]. Il n’en est rien : seules des politiques publiques très fortes peuvent empêcher qu’une inégalité de fait déborde de sa sphère. Dans le cas présent, il faudrait nécessairement que l’enfant (et sa famille) obtienne de l’aide financièrement, puisse accéder à de nombreuses activités périscolaires, bénéficie d’un accompagnement scolaire sur mesure, voire de politiques d’action affirmative, pour accéder à l’université, etc.

Walzer souhaite que la poursuite de la justice ne soit pas aveugle à la signification que les personnes lui accordent. Son universalisme est incrémental : les principes fondamentaux résultent de la réitération de pratiques sociales plurielles[9]. Dans un contexte d’interdépendance matérielle globale, l’universalisme walzerien s’avère donc très utile[10]. Il n’est d’ailleurs pas le seul : Mireille Delmas-Marty a défendu l’universalisme par harmonisation, Ernesto Laclau l’universalité par équivalence, Alain Policar l’universalisme délibératif[11], etc.

Le pluralisme n’implique pas de renoncer à l’universalisme : le droit à un environnement sain, la liberté de mouvement, de conscience et d’expression, l’égalité devant la loi, l’accès au soin et la libre disposition de son corps, pour ne prendre que quelques exemples, doivent être disponibles pour toutes et tous, et partout. Prétendre pouvoir se passer des droits fondamentaux, c’est méconnaître le fait que chacun·e, en pratique, mobilise certains droits pour en contester d’autres[12]. Il existe toujours une pluralité de chemins vers l’universalisme.L’anthropologue Saba Mahmood a ainsi montré que certaines Égyptiennes musulmanes s’émancipent des contraintes religieuses par les pratiques de piété[13]. En faisant exister d’autres espaces et d’autres temporalités[14], elles élaborent un savoir sur le monde qui leur permet de résister aux fortes contraintes qu’elles subissent.

L’aspiration à l’universel ne se limite pas à un mode de vie et de pensée prédéterminé, sauf à imposer une double peine aux personnes les plus opprimées. L’universalisme est corrompu lorsqu’il est monopolisé par des « porteurs génériques »[15] qui, au nom de leur position majoritaire, renvoient les pratiques minoritaires du côté du spécifique, tout en exigeant d’elles l’impossible : se détacher de ce qui les définit. Si cette tâche est impossible, c’est que chaque personne est peuplée par d’autres. Le moi n’existe pas de façon autonome : l’individu ne peut que se frayer un chemin dans la matière collective qui le constitue[16]. C’est en cela que pluralisme et universalisme sont consubstantiels.

Ne faut-il pas, néanmoins, admettre que tous les chemins ne conduisent pas à la justice et que certains s’avèrent moins adaptés que d’autres ? C’est là mon principal point de divergence avec Walzer. Ce dernier refuse de disqualifier les arrangements moraux inégalitaires si ceux-ci recueillent l’assentiment du plus grand nombre et préservent l’intégrité des personnes (ce que Walzer appelle une « morale minimale »). Il prend l’exemple de la distribution du grain dans une société villageoise et considère qu’une répartition très inégale est moralement robuste dès lors qu’elle est acceptée par le groupe[17]. Ce faisant, il minimise l’impact des dispositions inégalitaires incorporées. Dans mon dernier ouvrage, Sphères d’injustice. Pour un universalisme minoritaire[18], publié en octobre 2023, je prends la théorie walzerienne à rebours en engageant, à partir des expériences minoritaires, une réflexion nouvelle sur les sphères morales.

La notion de minorité ne désigne pas une essence mais une relation : être minoritaire, c’est être défini par rapport à une majorité. Cette dépendance épistémique engendre des injustices profondes et durables. Les statuts juridiques qui protègent les victimes de discriminations, d’exclusion sociale, de violences ou d’injures sont donc indispensables : ils posent une limite aux mauvais traitements, s’efforcent de compenser les inégalités et permettent aux minorités de se réapproprier leur histoire.

Pour autant, l’expérience minoritaire n’est pas le seul fait des minorités, c’est-à-dire des groupes structurellement discriminés, exclus, invisibilisés ou dominés. Des individus issus du groupe majoritaire peuvent, eux aussi, faire l’expérience de l’injustice. Cette expérience n’est pas factrice d’identité parce que moins intense et plus fugace. Elle n’en est pas moins réelle. C’est le cas d’une maladie ou d’une blessure qui vient contraindre temporairement la mobilité. C’est le cas d’un déménagement ou d’un exil qui prive la personne de ses repères. C’est le cas d’un deuil, d’un échec professionnel, d’une rupture amoureuse. Autant de situations qui font vaciller le sujet majoritaire. Le temps d’une expérience, il subit une partie de ce que les minorités affrontent au quotidien.

Dans Sphères d’injustice, je soutiens que mieux articuler les expériences minoritaires aux identités minoritaires ouvre la voie à des transformations sociales profondes. Mais lesquelles et comment ?

Tout individu vit à l’intersection de plusieurs identités. Certaines sont sources de discriminations. C’est la raison pour laquelle la juriste Kimberlé Crenshaw a inventé la notion d’intersectionnalité avec comme objectif de mieux appréhender les dynamiques discriminatoires lorsque plusieurs facteurs sont en jeu[19]. Toutefois, un individu peut parfaitement être minoritaire dans un contexte donné (par exemple, au travail) et, simultanément, ne pas l’être dans un autre (par exemple, en famille). Une minorité peut également en attaquer une autre au nom de même de ce qui la constitue, le plus souvent dans un espoir vain de rédemption ou pour être acceptée par le groupe majoritaire.

L’identité minoritaire est donc à la fois complexe et contradictoire puisqu’elle est mue par une double recherche de reconnaissance et d’affranchissement. La notion d’intersectionnalité permet de penser la complexité. Moins la contradiction. Dans l’interaction sociale, les histoires de domination ne manquent pas de se télescoper. Pour mieux saisir ce phénomène, il faut penser la transitivité de l’expérience humaine : c’est ce que j’appelle l’intrasectionnalité. À la suite des travaux de Karen Barad[20], je pars du constat que l’autre constitue notre propre matière (biographique, juridique, langagière, corporelle, psychique, économique, etc.) et étudie la façon dont cette présence incorporée nous agit, notamment dans le champ du droit.

Pour prouver l’existence d’une discrimination, il faut préalablement démontrer qu’il y a différence de traitement, ce qui implique de comparer des cas similaires. Si la différence de traitement est avérée et qu’elle est, par ailleurs, illégale selon les textes ou la jurisprudence, la discrimination est établie. Or plus les facteurs de discrimination sont nombreux, c’est-à-dire plus le sujet est intersectionnel, plus il est difficile d’identifier ce qui a causé la différence de traitement. Les actions en justice basées sur plusieurs critères de discrimination ont statistiquement moins de chances d’aboutir que les actions basées sur un seul critère[21].

Il existe une explication simple à cela : il est plus facile de se dédouaner d’une discrimination croisée car il suffit qu’il y ait un doute sur un seul des motifs discriminatoires pour que toute la requête s’effondre. La juriste Robin Stryker le résume en un exemple : une entreprise qui embauche des hommes noirs et des femmes blanches peut soutenir qu’elle ne discrimine ni les Noirs ni les femmes, ce qui rend plus difficile de prouver les discriminations envers les femmes noires[22]. Par conséquent, les juges préfèrent d’abord établir la discrimination sur la base d’un seul critère avant d’en prendre plusieurs en considération.

Par ailleurs, ils n’hésitent pas à utiliser des critères éloignés du cas d’espèce pour mieux révéler la discrimination. Leur raisonnement n’est plus comparatif mais analogique : ce qu’ils prennent en compte est moins le critère de discrimination que le processus de stéréotypisation des personnes. Les juges évaluent son étendue, sa durée, son intensité, etc.[23] Cette technique a une histoire longue : aux États-Unis, c’est grâce à la race que le genre a d’abord été protégé. Récemment encore, c’est sur la base du genre que l’orientation sexuelle a été, à son tour, prise en compte. En droit européen, la santé a permis de protéger des discriminations sur la base du handicap, quand le handicap a permis de protéger des situations d’empêchement temporaire lié à une maladie ou un accident[24].

En résulte une vision plus solidariste du droit qui n’efface pas les conflits moraux mais s’efforce de créer un cercle vertueux entre des situations singulières mais en résonance. On peut, en effet, constater l’existence d’une pente discriminatoire : le mauvais traitement des un·es conforte le mauvais traitement des autres. Relier les critères antidiscriminatoires est donc indispensable : c’est ce qu’a effectué la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud dans une affaire où elle a condamné le refus d’héritage qui était opposé à une femme musulmane mariée à un homme polygame[25].

Enfin, la correction d’une injustice ne se limite pas à la seule personne concernée. Les proches peuvent s’en trouver également affecté·es. La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi dédommagé les parents d’une personne en situation de handicap en raison de l’impact que les discriminations validistes et le manque de structures adaptées faisaient peser sur eux, notamment du point de vue économique[26]. L’intrasectionnalité contribue à une conception plus associative du droit.

En ajoutant une dimension intrasectionnelle aux théories de l’intersectionnalité, je rappelle l’importance de l’universalisme aujourd’hui. Les minorités n’ont aucune raison de se priver de cette ressource, ne serait-ce que pour des questions stratégiques. Les combats qu’elles mènent sont pleinement les leurs et doivent leur profiter au premier chef. Mais cela ne doit pas les empêcher de gagner du pouvoir symbolique en faisant prévaloir que leurs victoires améliorent aussi la vie des autres, directement ou indirectement.

L’intrasectionnalité est une conception réaliste du monde social où l’individu agit dans son intérêt propre lorsqu’il soutient les dispositifs qui protègent les autres.

En avril 2024, des femmes de plus de 75 ans ont obtenu la condamnation de leur pays, la Suisse, pour inaction climatique. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’en vertu des articles 2 et 8 de la Convention, les États avaient une « obligation positive » de prendre des mesures pour garantir une protection efficace de leurs citoyen·nes « contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie »[27]. C’est la position minoritaire des requérantes qui a conduit à cette décision, les vagues de chaleur affectant davantage les personnes âgées. Cette décision fait de la jouissance d’un environnement sain un droit fondamental pour toutes et tous dans l’espace européen.

Penser les résonances entre différentes sphères d’injustice, c’est-à-dire défendre un universalisme minoritaire, analogique et associatif, permet d’échapper à l’opposition entre le particulier et le général, entre l’un et le multiple, entre le communautarisme et le républicanisme, opposition qui mine le débat intellectuel depuis de nombreuses décennies et a largement contribué à disloquer la gauche et à entraîner une partie d’elle dans une dérive conservatrice[28]. J’ai souvent été interrogé à ce sujet depuis la parution de Sphères d’injustice. Quel rôle la théorie intrasectionnelle peut-elle jouer à gauche ? Est-elle une version renouvelée du voile d’ignorance rawlsien ? Comment susciter des mobilisations intrasectionnelles ? Quelle place la classe occupe-t-elle dans ce dispositif ? Comment faire pour ne pas instrumentaliser une catégorie au service d’une autre et, ainsi, faire disparaître ses spécificités ?

L’intrasectionnalité n’est pas qu’un arsenal légal : elle est aussi une éthique d’apprentissage fondée sur la présence de l’autre. Elle approche le lien par la connaissance, non par l’ignorance.

Contrairement à Rawls, je ne cherche pas à révéler les dispositions morales idéales qui permettraient de bâtir une société juste. Je m’efforce de mettre en lumière les dispositifs sociaux, juridiques et politiques qui peuvent y conduire. Ma proposition théorique résulte de l’étude de cas, comme les politiques d’action affirmative dans l’enseignement supérieur ou l’impact des algorithmes sur les identités minoritaires.

Elle ne prétend pas être la seule façon de penser la justice aujourd’hui. Sphères d’injustice passe en revue d’autres approches, comme la convergence des luttes, la coalition ou le porte-parolat. Le livre se confronte également aux théories de la reconnaissance et du care, au matérialisme historique et à l’écologie féministe et queer. Ce qui me distingue de la plupart de ces philosophies est de ne pas supposer une appétence à la vertu chez les groupes dominés. L’intrasectionnalité est une conception réaliste du monde social où l’individu agit dans son intérêt propre lorsqu’il soutient les dispositifs qui protègent les autres.

Il ne suffit donc pas de se placer du côté de celles et de ceux qui résistent à l’oppression. Encore faut-il penser la façon dont leurs luttes transforment le sujet. C’est ce que suggère Florence Hulak lorsqu’elle rappelle ce que le marxisme doit à certains courants libéraux[29]. Durant la première moitié du XIXe siècle, ces derniers avaient pris la défense des masses contre l’ordre monarchique et bourgeois. Ils soutenaient que la poursuite de la vérité était cardinale aux luttes collectives, tout en considérant que les institutions ne pouvaient qu’entraver celle-ci. Le marxisme a repris l’idée d’incompatibilité entre luttes collectives et structures institutionnelles. Il a également inféodé les luttes collectives à une lutte principale, celle des classes.

L’intrasectionnalité démontre, au contraire, la nécessité d’institutions puissantes pour assurer la redistribution et la protection des personnes. Elle se situe plutôt dans la continuité des socialismes saint-simoniens et fouriéristes. Il n’y a pas, en effet, une seule vérité des luttes : le vécu de l’injustice et le coût de l’interdépendance varient considérablement d’une personne à l’autre[30]. Les luttes ne sauraient être hiérarchisées.

Dans ces conditions, comment faire exister une mobilisation de masse ? Mon intention n’est évidemment pas de contester les formes traditionnelles de rassemblement telles que la manifestation et la grève. Je remarque simplement qu’il existe d’autres modalités de mobilisation et qu’un mouvement de masse peut échouer à transformer les normes s’il pense se suffire à lui-même.

Dans son ouvrage Psychologie des minorités actives, Serge Moscovici étudie les conditions qu’une minorité doit réunir pour peser sur la majorité. Celles-ci sont nombreuses (notamment la constance dans le temps, ce qui implique d’importantes ressources), mais il remarque que, dans certaines circonstances, la « dissidence d’un seul » (il prend l’exemple de Soljenitsyne) peut avoir des effets considérables[31]. En outre, la défense des droits individuels a toujours une portée collective puisqu’elle peut faire jurisprudence ou conduire à la transformation de la loi. En 2007, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’orientation scolaire très limitée que la République tchèque proposait aux enfants roms[32]. La Cour a estimé qu’étaient en cause toutes les politiques qui, par-delà même le domaine de l’éducation, projetaient des stéréotypes sur les Roms, enfants et adultes. Elle a ainsi lié protection des droits individuels et transformation des normes.

Si la lutte contre une injustice se dissémine toujours par-delà son objet premier, certaines luttes sont-elles prioritaires sur d’autres ? Seule une réponse contextuelle est possible. Comme tous les autres critères, la classe est transversale à toutes sortes de configurations minoritaires, tout en étant une configuration minoritaire en tant que telle. Elle prime dans certains cas – par exemple lorsqu’il est question de logement et d’accès à la propriété – mais pas nécessairement dans d’autres – lorsqu’il est question d’accessibilité des bâtiments. C’est donc en combinaison (intersectionnalité) et en résonance (intrasectionnalité) avec d’autres enjeux qu’il faut penser la classe.

La gauche n’a pas abandonné la question sociale au profit du soutien aux minorités culturelles, comme d’aucuns l’affirment[33]. Les questions de genre, de handicap, de race ou bien encore d’âge sont toujours des questions sociales. Social et sociétal sont les deux faces d’une même pièce. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe a permis à des personnes âgées de bénéficier de pensions de réversion après la mort de leurs conjoint·es plutôt que de sombrer dans la précarité. La lutte contre les inégalités salariales entre hommes et femmes est également une politique sociale puisque les femmes exercent plus souvent les métiers les moins rétribués et l’essentiel des emplois à temps partiel, etc.

Enfin, se pose la question des risques inhérents au raisonnement analogique. En s’appuyant sur une catégorie pour en protéger une autre, ne risque-t-on pas d’instrumentaliser voire de vampiriser la première au service de la seconde ?[34] C’est la question que soulèvent les philosophes afro-pessimistes. Selon eux, l’expérience noire est intransitive[35] : l’analogie ne peut que « mystifier » le spécifique[36]. Toute référence détachée de son contexte est appropriation.

Cette approche renforce la cohésion du groupe et lui confère une puissance politique incontestable. Elle accorde toutefois peu d’attention aux dissidences. Le raisonnement analogique n’est pas une comparaison mais un décentrement. Il permet de respecter les spécificités de chaque situation, tout en rappelant qu’une spécificité est toujours en miroir d’une autre. Voir sa culture, son histoire, sa langue même, circuler par le truchement des autres peut conférer un surcroît de puissance, dès lors que cette circulation s’inscrit dans une éthique d’hospitalité[37]. Il ne s’agit pas de s’approprier une expérience, mais d’interroger le régime de propriété (qui constitue aussi une assignation à résidence). Dans de nombreuses situations, les groupes minoritaires revendiquent une forme d’impropriété de soi en montrant bien qu’il existe une jouissance dans l’indétermination et de la liberté dans la désidentification[38].

De ce point de vue, l’intrasectionnalité déconstruit la notion d’ipséité formulée par Paul Ricœur[39]. L’ipséité qualifie l’unicité de l’être, animé par la promesse du soi. L’idée de « soi-même comme un autre » implique une autoréférentialité de l’être préalable à l’attention à l’autre. Elle suppose une conservation de soi dans l’interaction. Tout au contraire, l’intrasectionnalité s’appuie sur les nombreuses expériences minoritaires de contestation voire de trahison de soi dans le rapport à l’autre (celle du placard homosexuel, celle de la honte sociale, celle du passing racial, etc.) Il s’agit donc plutôt d’une comparution, au sens où l’entend Jean-Luc Nancy, à savoir d’une apparition avec l’autre sur la scène sociale[40], où le « avec » ne cesse de faire problème et requiert, ce faisant, d’inventer de nouvelles formes de présence.

Depuis plusieurs décennies, des sociologues s’inquiètent de la fragmentation sociale : à leurs yeux, l’idée de société serait en danger, laissant l’individu désemparé, sans repère[41]. S’agit-il d’une véritable fragmentation ou du simple fait que les antagonismes s’expriment sous des formes renouvelées depuis le déclin de certains corps intermédiaires, comme les syndicats et les partis politiques ?[42] La notion de société elle-même n’a pas toujours eu le même sens : Michel Foucault a bien montré comment l’idéologie raciste a pris forme lorsque le discours aristocratique de défense contre la société est devenu un discours de défense de la société contre les autres races[43].

Pour pallier la trop faible historicité des discours sur la société, le philosophe Kwame Anthony Appiah a proposé une version « enracinée » du cosmopolitisme qui considère que « l’obligation éthique […] est interne à l’identité. Qui vous êtes est constitué, en partie, par ce à quoi vous prêtez attention »[44].

L’universalisme minoritaire que je défends prend appui sur le fait que le sujet est constitué non seulement par ce à quoi il prête attention mais également par tout ce qu’il néglige, voire ce qu’il dénie, mais dont la présence spectrale définit son identité. Le sujet intrasectionnel est constitué d’absences, de possibilités non-vécues, de potentialités de vie portées par les autres. Il n’est pas caractérisé par une absolue souveraineté sur soi, ni par la jouissance d’un droit de propriété sur son environnement.

Le sujet intrasectionnel est creusé par la présence de l’autre. Parce qu’il est caractérisé par son incomplétude[45], il dessine un universalisme minoritaire qui articule intérêts individuels et intérêts collectifs par-delà les inévitables contradictions entre différentes sphères morales. Cet universalisme rend possible des politiques écologiques plus exigeantes, sans avoir à renoncer à toute idée de rationalité au nom du pluralisme[46]. Il faut défendre la société intrasectionnelle.


[1] Dominique Bourg et Kerry Whiteside, Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique, Paris, Seuil, 2010, p. 12-14.

[2] Voir Émilie Hache, Ce à quoi nous tenons. Propositions pour une écologie pragmatique, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2011.

[3] Aurélien Barrau et Jean-Luc Nancy, Dans quels mondes vivons-nous ?, Paris, Galilée, 2011, p. 12-17.

[4] Max de Paz, La Manche, Paris, Gallimard, 2024.

[5] Dominique Birmann, « Albert Camus a exposé aux étudiants suédois son attitude devant le problème algérien », Le Monde, 14 décembre 1957.

[6] Michael Walzer, Sphères de justice. Une défense du pluralisme et de l’égalité (1983), trad. Pascal Engel, Paris, Seuil, 1997.

[7] John Rawls, Théorie de la justice (1971), trad. Catherine Audard, Paris, Seuil, 1987, p. 568-569.

[8] Susan Moller Okin, Justice, Gender, and the Family, New York, Basic Books, 1989, p. 111-117.

[9] Michael Walzer, « Nation and Universe », The Tanner Lectures on Human Values, Brasenose College, Oxford University, mai 1989, p. 532.

[10] Félix Mégret (dir.), « Relire Sphères de justice », Raisons politiques, numéro spécial, 94, mai 2024.

[11] Mireille Delmas-Marty, Le Relatif et l’universel. Les Forces imaginantes du droit, Paris, Seuil, 2004, p. 405 — Ernesto Laclau, La Guerre des identités. Grammaire de l’émancipation (1989), trad. Claude Orsoni, Paris, La Découverte, 2000, p. 27-29 ­— Alain Policar, L’Universalisme en procès, Lormont, Les Bords de l’eau, 2021, p. 108-109.

[12] Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère, Le Procès des droits de l’homme. Généalogie du scepticisme démocratique, Paris, Seuil, 2016, p. 311-313.

[13] Saba Mahmood, Politique de la piété. Le Féminisme à l’épreuve du renouveau islamique (2004), trad. Nadia Marzouki, Paris, La Découverte, 2009, p. 51.

[14] Mohamed Amer Meziane, Au bord des mondes. Vers une anthropologie métaphysique, Bruxelles, Vues de l’esprit, 2023, p. 131-136.

[15] Étienne Balibar, « Universalisme situé : relativité ou conflit ? », dans Stéphane Dufoix et Alain Policar (dir.), L’Universalisme en débat(s), Lormont, Les Bords de l’eau, 2023, p. 80.

[16] François Laplantine, Quand le moi devient autre. Connaître, partager, transformer, Paris, CNRS éditions, 2012, p. 100-101.

[17] Michael Walzer, Sphères de justice, op. cit., p. iv et p. 435.

[18] Bruno Perreau, Sphères d’injustice. Pour un universalisme minoritaire, Paris, La Découverte, 2023.

[19] Kimberlé Crenshaw, « Cartographies des marges : intersectionnalité, politique de l’identité et violences contre les femmes de couleur » (1991), trad. Oristelle Bonis, Cahiers du genre, 39, 2005, p. 51-82.

[20] Karen Barad, « Reconceiving Scientific Literacy as Agential Literacy ; Or, Learning How to Intraact Responsibly within the World » dans Roddey Reid et Sharon Traweek (dir.), Doing Science + Culture, New York, Routledge, 2000, p. 235-236.

[21] Rachel K. Best, Lauren B. Edelman, Linda Hamilton Krieger et Scott. R. Eliason, « Multiple Disadvantages : An Empirical Test of Intersectionality Theory in EEO Litigation », Law & Society Review, 45 (4), 2011, p. 991-1025.

[22] Robin Stryker, « Multiplication of Discrimination Criteria : A View from the United States », Multiplication des critères de discrimination. Enjeux, effets et perspectives, Actes du colloque des 18 et 19 janvier 2018, Paris, Publications du Défenseur des droits, 2018, p. 26.

[23] Cour de justice de l’Union européenne, David L. Parris c. Trinity College Dublin, Higher Education Authority et al., 24 novembre 2016 ­— Cour européenne des droits de l’homme, Carvalho Pinto de Sousa Morais c. Portugal, 25 juillet 2017.

[24] Cour suprême des États-Unis, Hoyt v. Florida, 368 U.S. 57, 20 novembre 1961 — Cour suprême des États-Unis, Bostock v. Clayton County, 590 U.S., 17 juin 2020 — Cour de justice des communautés européennes, Sonia Chacón Navas c. Eurest Colectividades SA, 11 juillet 2006 — Cour de justice de l’Union européenne, Jette Ring c. Dansk almennyttigt Boligselskab, 11 avril 2013.

[25] Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, Harksen v. Lane, 1998 (1) SA 300.

[26] Cour européenne des droits de l’homme, Di Trizio c. Suisse, 2 février 2016 et Guberina c. Croatie, 22 mars 2016.

[27] Cour européenne des droits de l’homme, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz and others c. Switzerland, 9 avril 2024.

[28] Bruno Perreau, Qui a peur de la théorie queer ? (2016), Paris, Presses de Sciences Po, 2018, p. 232-245.

[29] Florence Hulak, L’Histoire libérale de la modernité. Race, nation, classe, Paris, Presses universitaires de France, 2023, p. 308-310.

[30] La peur de la dépendance voire de la fusion à l’autre se forgeant dans l’enfance, la vérité des luttes dépend de la capacité des sujets à assumer la perte. Judith Butler, Dans quel monde vivons-nous ? (2022), trad. Christophe Jaquet, Paris, Flammarion, 2023, p. 119-120.

[31] Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives (1976), trad. Anne Rivière, Paris, Presses universitaires de France, 1979, p. 255.

[32] Cour européenne des droits de l’homme, D.H. et autres. c. République tchèque, 13 novembre 2007, § 175.

[33] Laurent Bouvet, Le Péril Identitaire, Éditions de l’Observatoire, 2020.

[34] Janet E. Halley, « “Like Race” Arguments », dans Judith Butler, John Guillory et Kendall Thomas (dir.), What’s Left of Theory ? New Work on the Politics of Literary Theory, New York, Routledge, 2000, p. 60.

[35] Voir, par exemple, Kehinde Andrews, Back to Black. Retelling Black Radicalism for the 21st Century, Londres, Zed Books, 2018, p. 175-176.

[36] Frank B. Wilderson III, Afropessimism, New York, W. W. Norton and Company, 2000, p. 41.

[37] Souleymane Bachir Diagne, De langue à langue. L’Hospitalité de la traduction, Paris, Albin Michel, 2022.

[38] Voir, par exemple, Moisés Lino E Silva, Minoritarian Liberalism. A Travesti Life in a Brazilian Favela, Chicago, The University of Chicago Press, 2022, p. 14. C’est aussi le constat auquel parviennent Sara Garbagnoli et Théo Mantion à propos du « j/e » chez Monique Wittig (Monique Wittig, Dans l’arène ennemie. Textes et entretiens 1966-1999, Sara Garbagnoli et Théo Mantion (eds.), Paris, Éd. de Minuit, 2024, p. 14).

[39] Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 11-15.

[40] Jean-Luc Nancy, Être singulier pluriel (1996), Paris, Galilée, 2013, p. 77-87.

[41] François Dubet et Danilo Martuccelli, Dans quelle société vivons-nous ? Paris, Seuil, 1998.

[42] Jean-Luc Nancy, La Communauté Affrontée, Paris, Galilée, 2001, p. 50-51.

[43] Michel Foucault, Il faut défendre la société. Cours au collège de France, 1976, Paris, Gallimard, 1997, p. 53.

[44] Kwame Anthony Appiah, The Ethics of Identity, Princeton, Princeton University Press, 2005, p. 213 et 236.

[45] Voir Stefano Harney et Fred Moten, All Incomplete, Colchester, Minor Compositions, 2021, p. 23-24 et Yves Citton et Jacopo Rasmi, Générations collapsonautes. Naviguer par temps d’effondrements, Paris, Seuil, 2020, p. 249.

[46] Chantal Mouffe, La Révolution démocratique verte (2022), trad. Christophe Beslon, Paris, Albin Michel, 2023, p. 50-51.

Bruno Perreau

Politiste, Professeur au Massachusetts Institute of Technology

Notes

[1] Dominique Bourg et Kerry Whiteside, Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique, Paris, Seuil, 2010, p. 12-14.

[2] Voir Émilie Hache, Ce à quoi nous tenons. Propositions pour une écologie pragmatique, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2011.

[3] Aurélien Barrau et Jean-Luc Nancy, Dans quels mondes vivons-nous ?, Paris, Galilée, 2011, p. 12-17.

[4] Max de Paz, La Manche, Paris, Gallimard, 2024.

[5] Dominique Birmann, « Albert Camus a exposé aux étudiants suédois son attitude devant le problème algérien », Le Monde, 14 décembre 1957.

[6] Michael Walzer, Sphères de justice. Une défense du pluralisme et de l’égalité (1983), trad. Pascal Engel, Paris, Seuil, 1997.

[7] John Rawls, Théorie de la justice (1971), trad. Catherine Audard, Paris, Seuil, 1987, p. 568-569.

[8] Susan Moller Okin, Justice, Gender, and the Family, New York, Basic Books, 1989, p. 111-117.

[9] Michael Walzer, « Nation and Universe », The Tanner Lectures on Human Values, Brasenose College, Oxford University, mai 1989, p. 532.

[10] Félix Mégret (dir.), « Relire Sphères de justice », Raisons politiques, numéro spécial, 94, mai 2024.

[11] Mireille Delmas-Marty, Le Relatif et l’universel. Les Forces imaginantes du droit, Paris, Seuil, 2004, p. 405 — Ernesto Laclau, La Guerre des identités. Grammaire de l’émancipation (1989), trad. Claude Orsoni, Paris, La Découverte, 2000, p. 27-29 ­— Alain Policar, L’Universalisme en procès, Lormont, Les Bords de l’eau, 2021, p. 108-109.

[12] Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère, Le Procès des droits de l’homme. Généalogie du scepticisme démocratique, Paris, Seuil, 2016, p. 311-313.

[13] Saba Mahmood, Politique de la piété. Le Féminisme à l’épreuve du renouveau islamique (2004), trad. Nadia Marzouki, Paris, La Découverte, 2009, p. 51.

[14] Mohamed Amer Meziane, Au bord des mondes. Vers une anthropologie métaphysique, Bruxelles, Vues de l’esprit, 2023, p. 131-136.

[15] Étienne Balibar, « Universalisme situé : relativité ou conflit ? », dans Stéphane Dufoix et Alain Policar (dir.), L’Universalisme en débat(s), Lormont, Les Bords de l’eau, 2023, p. 80.

[16] François Laplantine, Quand le moi devient autre. Connaître, partager, transformer, Paris, CNRS éditions, 2012, p. 100-101.

[17] Michael Walzer, Sphères de justice, op. cit., p. iv et p. 435.

[18] Bruno Perreau, Sphères d’injustice. Pour un universalisme minoritaire, Paris, La Découverte, 2023.

[19] Kimberlé Crenshaw, « Cartographies des marges : intersectionnalité, politique de l’identité et violences contre les femmes de couleur » (1991), trad. Oristelle Bonis, Cahiers du genre, 39, 2005, p. 51-82.

[20] Karen Barad, « Reconceiving Scientific Literacy as Agential Literacy ; Or, Learning How to Intraact Responsibly within the World » dans Roddey Reid et Sharon Traweek (dir.), Doing Science + Culture, New York, Routledge, 2000, p. 235-236.

[21] Rachel K. Best, Lauren B. Edelman, Linda Hamilton Krieger et Scott. R. Eliason, « Multiple Disadvantages : An Empirical Test of Intersectionality Theory in EEO Litigation », Law & Society Review, 45 (4), 2011, p. 991-1025.

[22] Robin Stryker, « Multiplication of Discrimination Criteria : A View from the United States », Multiplication des critères de discrimination. Enjeux, effets et perspectives, Actes du colloque des 18 et 19 janvier 2018, Paris, Publications du Défenseur des droits, 2018, p. 26.

[23] Cour de justice de l’Union européenne, David L. Parris c. Trinity College Dublin, Higher Education Authority et al., 24 novembre 2016 ­— Cour européenne des droits de l’homme, Carvalho Pinto de Sousa Morais c. Portugal, 25 juillet 2017.

[24] Cour suprême des États-Unis, Hoyt v. Florida, 368 U.S. 57, 20 novembre 1961 — Cour suprême des États-Unis, Bostock v. Clayton County, 590 U.S., 17 juin 2020 — Cour de justice des communautés européennes, Sonia Chacón Navas c. Eurest Colectividades SA, 11 juillet 2006 — Cour de justice de l’Union européenne, Jette Ring c. Dansk almennyttigt Boligselskab, 11 avril 2013.

[25] Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, Harksen v. Lane, 1998 (1) SA 300.

[26] Cour européenne des droits de l’homme, Di Trizio c. Suisse, 2 février 2016 et Guberina c. Croatie, 22 mars 2016.

[27] Cour européenne des droits de l’homme, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz and others c. Switzerland, 9 avril 2024.

[28] Bruno Perreau, Qui a peur de la théorie queer ? (2016), Paris, Presses de Sciences Po, 2018, p. 232-245.

[29] Florence Hulak, L’Histoire libérale de la modernité. Race, nation, classe, Paris, Presses universitaires de France, 2023, p. 308-310.

[30] La peur de la dépendance voire de la fusion à l’autre se forgeant dans l’enfance, la vérité des luttes dépend de la capacité des sujets à assumer la perte. Judith Butler, Dans quel monde vivons-nous ? (2022), trad. Christophe Jaquet, Paris, Flammarion, 2023, p. 119-120.

[31] Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives (1976), trad. Anne Rivière, Paris, Presses universitaires de France, 1979, p. 255.

[32] Cour européenne des droits de l’homme, D.H. et autres. c. République tchèque, 13 novembre 2007, § 175.

[33] Laurent Bouvet, Le Péril Identitaire, Éditions de l’Observatoire, 2020.

[34] Janet E. Halley, « “Like Race” Arguments », dans Judith Butler, John Guillory et Kendall Thomas (dir.), What’s Left of Theory ? New Work on the Politics of Literary Theory, New York, Routledge, 2000, p. 60.

[35] Voir, par exemple, Kehinde Andrews, Back to Black. Retelling Black Radicalism for the 21st Century, Londres, Zed Books, 2018, p. 175-176.

[36] Frank B. Wilderson III, Afropessimism, New York, W. W. Norton and Company, 2000, p. 41.

[37] Souleymane Bachir Diagne, De langue à langue. L’Hospitalité de la traduction, Paris, Albin Michel, 2022.

[38] Voir, par exemple, Moisés Lino E Silva, Minoritarian Liberalism. A Travesti Life in a Brazilian Favela, Chicago, The University of Chicago Press, 2022, p. 14. C’est aussi le constat auquel parviennent Sara Garbagnoli et Théo Mantion à propos du « j/e » chez Monique Wittig (Monique Wittig, Dans l’arène ennemie. Textes et entretiens 1966-1999, Sara Garbagnoli et Théo Mantion (eds.), Paris, Éd. de Minuit, 2024, p. 14).

[39] Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 11-15.

[40] Jean-Luc Nancy, Être singulier pluriel (1996), Paris, Galilée, 2013, p. 77-87.

[41] François Dubet et Danilo Martuccelli, Dans quelle société vivons-nous ? Paris, Seuil, 1998.

[42] Jean-Luc Nancy, La Communauté Affrontée, Paris, Galilée, 2001, p. 50-51.

[43] Michel Foucault, Il faut défendre la société. Cours au collège de France, 1976, Paris, Gallimard, 1997, p. 53.

[44] Kwame Anthony Appiah, The Ethics of Identity, Princeton, Princeton University Press, 2005, p. 213 et 236.

[45] Voir Stefano Harney et Fred Moten, All Incomplete, Colchester, Minor Compositions, 2021, p. 23-24 et Yves Citton et Jacopo Rasmi, Générations collapsonautes. Naviguer par temps d’effondrements, Paris, Seuil, 2020, p. 249.

[46] Chantal Mouffe, La Révolution démocratique verte (2022), trad. Christophe Beslon, Paris, Albin Michel, 2023, p. 50-51.