L’écologie nucléaire face à son renouvellement
L’industrie nucléaire a toujours eu un rapport ambivalent à ce qui touche à sa propre fin. Le 27 février 2024, la vie de l’usine Orano (ex-Areva) de La Hague dans le Cotentin a été « prolongée » jusqu’à 2100 tandis qu’une partie des acteurs du secteur nucléaire français s’attendait à ce qu’elle prenne fin aux alentours de 2040.

Par cette annonce, le très fermé conseil de politique nucléaire remet sur le devant de la scène une partie souvent peu visible de l’infrastructure nucléaire française : ledit « cycle du combustible ». Derrière cette déclaration d’apparence froidement technique se joue en réalité la double survie d’un imaginaire futuriste et d’une infrastructure vieillissante.
La relance, du réacteur au cycle
Elle s’inscrit dans le flot croissant d’annonces de relance du nucléaire depuis 2022, en France et ailleurs[1]. Ce retour en grâce du nucléaire prend prise sur un contexte de lutte contre le changement climatique et de tensions géopolitiques renouvelées. Il fait suite à des décennies difficiles – les années 2010 furent marquées par le doute au sein de l’industrie, et plus généralement les marchés nucléaires n’ont jamais retrouvé la grande dynamique d’expansion des années 1970-1980.
Nous voulons ici réorienter vers le « cycle » les regards souvent focalisés sur les réacteurs. La plupart des discours et des politiques de « relance » sont centrés sur les projets de réacteurs, que ce soient les gros EPR ou les petits SMR (petits réacteurs dits « modulaires »). Or, les réacteurs ne pourraient fonctionner s’ils ne s’inscrivaient dans une infrastructure beaucoup plus large qui lui fournit son matériau énergétique : ce que les acteurs industriels désignent comme le « cycle du combustible ». Cette appellation – à laquelle certain.e.s préfèrent l’étiquette plus ajustée de « chaîne du combustible » – recoupe toutes les opérations de confection du combustible nucléaire, version extrêmement manufacturée de l’uranium extrait des mines : concentration, convers