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L’État de maintenance – Liban (2/2)

Politiste

L’offensive israélienne plonge l’État libanais, déjà dégraissé par des réformes silencieuses et dévastatrices, dans une tension extrême. Des fonctionnaires mal rémunérés, recrutés au compte-goutte, s’efforcent de maintenir l’ordre, tandis que le désengagement des élites politiques laisse ce corps social démuni face à la catastrophe. Mais jusqu’à quand cet État de maintenance minimal peut-il tenir ? Les conséquences se dessinent déjà : la santé et l’éducation s’effondrent, menaçant l’avenir d’une génération.

« Ma fi dawlé » (il n’y a pas d’État), cette expression populaire et pratique est toute aussi imprécise par rapport au quotidien de la bureaucratie au Liban qu’elle sert généralement les intérêts de certains acteurs, et même souvent des intérêts contraires à celles et ceux qui en usent le plus : à observer ce que font les gouvernements libanais depuis des années l’un de leurs problèmes semble être plutôt qu’il reste un État – ils s’emploient même à l’affaiblir encore.

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Cet État est aujourd’hui à nouveau mobilisé : en-dehors de la famille, l’autre grande partie des réfugiés au Liban se réfugie dans des écoles, bout d’État fondamental dans un pays qui ne cesse de le décrire absent ou déjà mort. Quand les banques affichent en apparence une activité quasi nulle mais travaillent pourtant, l’État est accusé d’être absent alors que tout ce qu’il en reste est en tension – et ses potentielles absences de plus dans le futur devraient plutôt passer pour une catastrophe potentielle à éviter, et amener à penser combien il reste encore à perdre.

L’État concerné par la catastrophe en cours, n’est pas celui des grandes hauteurs politiques associé à des summums de corruption, ni un État Léviathan imaginaire et rêvé avec armée forte, mais un corps social « moyen », de bureaucrates et de soldats – une petite bourgeoisie contrariée ou abîmée chez qui la crise a commencé bien avant 2019, dont les retraités manifestaient il y a encore quelques jours, ou les salariés ont vu leurs traitements légèrement revalorisés début septembre après des mois de tractation – maigre compensation pour des salaires qui ont dégringolé depuis la crise.

Ces fonctionnaires ont vu leur recrutement stoppé depuis 2017 (donc avant crise), ou sont encore recrutés au compte-goutte de manière seulement dérogatoire via une politique de contrats de droit privé, en tant que ponctuels ou à coup de sous-traitance comme c’est le cas depuis les années 1990 (ce qui amenait récemment les « journaliers » de la compagn


[1] Voir à ce propos les articles de Richard Salamé dans l’Orient le Jour. En particulier cet article.

[2] Lebanon, World Bank, August 2024, op.cité

[3] Certains de ces clichés se diffusent depuis soixante ans de manière quasi inchangée dans les diners mondains sous forme d’histoire exemplaire – dont jamais l’origine n’a pu être retrouvée, et qui trahissent surtout la plupart du temps l’absence d’interactions régulières avec le moindre guichet de l’État de la part de leurs auteur.e.s.

[4] Lebanon, World Bank, August 2024, op.cité.

[5] Loin d’être une armée similaire à celle d’Israël pouvant mener des opérations extérieures, l’armée libanaise est centrée sur le renseignement et la surveillance interne ; les interventions ponctuelles avec les forces spéciales ; le maintien de l’ordre et l’interposition. Elle est aussi une force économique qui régule de fait le chômage.

[6] À ce titre la situation actuelle fait aussi écho au précédent mouvement de 2015 sur la « crise des ordures ».

[7] L’annonce mérite d’être citée in extenso à ce titre : « à partir du 1er octobre, une « compensation mensuelle temporaire équivalente à deux fois [la base] sera ajoutée à la compensation […] Le ministre a également précisé qu’à partir du mois de novembre, un salaire supplémentaire serait ajouté aux deux salaires et qu’à partir de décembre, un quatrième salaire serait ajouté. De plus, tous les employés recevront une aide financière fixe de dix millions de livres pour les mois de septembre et de décembre ».

[8] Lebanon, World Bank, August 2024, op.cité.

[9] Les raisons étant plus nuancées qu’un simple sur-recrutement et le chiffre étant discutable sous certains aspects.

[10]  Les Enfants de la Guerre, Jocelyne Saab, 1976.

[11]  Trapped in a downward spiral, Unicef, 2023.

Pierre France

Politiste, Doctorant en science politique à l’Université Aix-Marseille, Associé à l’Institut Français du Proche-Orient - Beyrouth

Notes

[1] Voir à ce propos les articles de Richard Salamé dans l’Orient le Jour. En particulier cet article.

[2] Lebanon, World Bank, August 2024, op.cité

[3] Certains de ces clichés se diffusent depuis soixante ans de manière quasi inchangée dans les diners mondains sous forme d’histoire exemplaire – dont jamais l’origine n’a pu être retrouvée, et qui trahissent surtout la plupart du temps l’absence d’interactions régulières avec le moindre guichet de l’État de la part de leurs auteur.e.s.

[4] Lebanon, World Bank, August 2024, op.cité.

[5] Loin d’être une armée similaire à celle d’Israël pouvant mener des opérations extérieures, l’armée libanaise est centrée sur le renseignement et la surveillance interne ; les interventions ponctuelles avec les forces spéciales ; le maintien de l’ordre et l’interposition. Elle est aussi une force économique qui régule de fait le chômage.

[6] À ce titre la situation actuelle fait aussi écho au précédent mouvement de 2015 sur la « crise des ordures ».

[7] L’annonce mérite d’être citée in extenso à ce titre : « à partir du 1er octobre, une « compensation mensuelle temporaire équivalente à deux fois [la base] sera ajoutée à la compensation […] Le ministre a également précisé qu’à partir du mois de novembre, un salaire supplémentaire serait ajouté aux deux salaires et qu’à partir de décembre, un quatrième salaire serait ajouté. De plus, tous les employés recevront une aide financière fixe de dix millions de livres pour les mois de septembre et de décembre ».

[8] Lebanon, World Bank, August 2024, op.cité.

[9] Les raisons étant plus nuancées qu’un simple sur-recrutement et le chiffre étant discutable sous certains aspects.

[10]  Les Enfants de la Guerre, Jocelyne Saab, 1976.

[11]  Trapped in a downward spiral, Unicef, 2023.