International

L’affirmation d’une gauche musulmane américaine

Politiste

Loin du culturalisme dans lequel les arabes et musulmans étatsuniens ont été enferrés depuis le 11-Septembre, les activistes et les électeurs de la nouvelle génération arabo-musulmane revendiquent, par-delà leur foi, de multiples engagements socio-politiques, révélant ainsi l’hétérogénéité de populations traversées par les mêmes divisions que le reste de la société.

«Comme musulmans, nous soutenons le président Trump parce qu’il promet la paix ; la paix, et non la guerre. Nous soutenons Donald Trump parce qu’il a promis de mettre fin à la guerre au Moyen-Orient et en Ukraine. » C’est en ces termes que l’imam Belal Alzuhairi exprima son soutien au candidat républicain lors de son meeting dans la ville de Novi, dans le Michigan, le 26 octobre dernier. Sur scène, la délégation de dignitaires musulmans détonait à côté des traditionnels supporters vêtus de t-shirts et de casquettes MAGA [Make America Great Again, le slogan de campagne de Donald Trump, ndlr].

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L’imam Belal Alzuhairi est l’imam de la mosquée de Hamtramck, une ville de trente mille habitants située au nord de Détroit. Autrefois peuplée essentiellement par des migrants d’origine polonaise, Hamtramck est désormais la première ville des États-Unis à majorité musulmane et les musulmans y sont majoritaires au conseil municipal depuis 2015. Quelques jours auparavant, Amer Ghalib, le maire musulman d’origine yéménite de la ville, élu en 2021, avait lui aussi annoncé son soutien à la candidature de Donald Trump. Le soir même du rassemblement, Trump publia un tweet de remerciement diffusant les images de sa poignée de main avec les notables musulmans, avec en commentaire, écrits en lettres capitales, les mots suivants : « C’est un honneur, merci ! »

Le Michigan est l’un des États pivots (battleground states) de cette campagne comme des précédentes. L’État avait voté pour Trump en 2016 (avec 11 000 voix de plus que pour Hillary Clinton) et pour Biden en 2020 (avec 155 000 voix de plus que pour Trump). L’organisation Emgage, qui s’efforce de mobiliser les musulmans américains pour aller voter, dénombre environ deux-cent-six mille inscrits sur les listes électorales du Michigan qui se définissent comme musulmans. Dans ce contexte, ce qui aurait pu être écarté comme une simple fantaisie d’un petit groupe de responsables locaux est venu renforcer les mises en garde à destin


[1] Les musulmans représentent environ 1 % de la population américaine et les arabes américains également, mais les deux types de population ne se recoupent que partiellement. Seulement environ 25 % des arabes américains sont musulmans. Le reste des populations arabes américaines comptent également des chrétiens, druzes, juifs, athées et autres. Quant aux musulmans des États-Unis, ils sont loin d’être majoritairement arabes (source : Arab American Institute).

[2] Voir, sur ce point, le livre de Mahmood Mamdani, Good Muslim, Bad Muslim: America, The Cold War, and the Roots of Terror, Three Leaves Press, 2005.

[3] Le terme organizer, intraduisible en français, renvoie à la tradition de community organizing, théorisée entre autres par Saul Alinsky, qui décrit un ensemble de pratiques par lesquelles des individus habitant dans le même quartier ou la même région s’auto-organisent autour de revendications ou d’intérêts communs à défendre. Leur approche est à la fois sociale et politique puisqu’il s’agit à la fois de créer des réseaux d’entraide et de construire un rapport de force leur permettant d’obtenir des changements politiques de plus grande ampleur.

Nadia Marzouki

Politiste, Chargée de recherche au Centre de recherches internationales (CNRS-Sciences Po)

Notes

[1] Les musulmans représentent environ 1 % de la population américaine et les arabes américains également, mais les deux types de population ne se recoupent que partiellement. Seulement environ 25 % des arabes américains sont musulmans. Le reste des populations arabes américaines comptent également des chrétiens, druzes, juifs, athées et autres. Quant aux musulmans des États-Unis, ils sont loin d’être majoritairement arabes (source : Arab American Institute).

[2] Voir, sur ce point, le livre de Mahmood Mamdani, Good Muslim, Bad Muslim: America, The Cold War, and the Roots of Terror, Three Leaves Press, 2005.

[3] Le terme organizer, intraduisible en français, renvoie à la tradition de community organizing, théorisée entre autres par Saul Alinsky, qui décrit un ensemble de pratiques par lesquelles des individus habitant dans le même quartier ou la même région s’auto-organisent autour de revendications ou d’intérêts communs à défendre. Leur approche est à la fois sociale et politique puisqu’il s’agit à la fois de créer des réseaux d’entraide et de construire un rapport de force leur permettant d’obtenir des changements politiques de plus grande ampleur.