Quand les citoyens font la police
Le 21 octobre 2024, le plan Alerte enlèvement était déclenché pour la trente-deuxième fois depuis sa mise en place, dix-huit ans plus tôt. Le mécanisme est désormais familier : sur les principaux canaux de radio et de télévision, mais aussi sur les panneaux autoroutiers, des messages répétés, précédés d’une alarme au son caractéristique, parfois accompagnés de photographies des enfants et des suspects, appellent à donner tout renseignement utile (« si et seulement si vous disposez d’informations », précise le message officiel, qui rappelle surtout qu’il ne faut pas agir seul, mais prévenir la police).

De tels avis de recherche sont longtemps restés rares et circonscrits au cercle étroit des professionnels de la police et de la justice, lesquels redoutaient d’être submergés de témoignages inexploitables et/ou fantaisistes. Cette sourde méfiance explique, davantage que les doutes sur leur fiabilité, le recours limité aux portraits-robots, en témoigne leur utilisation insatisfaisante lors des affaires du Grêlé ou du violeur de la Sambre, récemment remises sur le devant de la scène[1].
Par crainte d’une confusion des genres, les autorités judiciaires et policières freinaient de la même manière, au début des années 1990, l’importation en France d’un format télévisuel consacré à la résolution d’affaires inexpliquées, qui connaissait un grand succès international. Finalement lancée en 1993 sous le titre Témoin numéro un et sous la houlette de Jacques Pradel, l’émission dure trois ans et trente-quatre numéros, mais souffre d’une réputation sulfureuse.
Rien de tel en 2021, quand le programme fait son retour sous un nouveau nom, Appel à témoins, avec un nouveau présentateur vedette, Julien Courbet. Cette fois, les pouvoirs publics apportent leur soutien : « C’est nouveau pour nous », admet la porte-parole du ministre de l’Intérieur, mais le sérieux de l’émission et la demande des victimes justifient un changement radical de doctrine. À raison d’un numéro par trimest