Rapport Draghi : se donner les moyens de son ambition
Le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité de l’Union européenne martèle un message essentiel : l’Europe fait face à « un défi existentiel » et, pour y répondre, il va falloir investir massivement. Les montants sont considérables : les investissements pour assurer la décarbonation – mais également la transformation numérique et la défense – représenteraient 800 milliards d’euros par an, c’est-à-dire 5 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne.
En parcourant les pages du rapport, nous comprenons rapidement qu’opérer une telle transformation n’est pas une simple affaire conjoncturelle qui nécessiterait quelques ajustements temporaires, mais bien l’un de ces bouleversements historiques qui appellent à repenser en profondeur l’organisation de notre économie. Le rapport fait d’ailleurs référence à quelques-uns de ces points de rupture en mentionnant dès les premières lignes le plan Marshall, qui ne constituerait pourtant qu’un maigre effort à côté de celui que nous devons faire : celui-ci ne représentait qu’entre 1 % et 2 % du PIB – soit entre deux et cinq fois moins. Les États-Unis en auraient pris conscience, mais l’Europe semble encore dans le déni.

Mario Draghi n’a d’ailleurs pas hésité à faire grincer des dents les « frugaux » en remettant sur la table la question de la dette commune européenne, appelant implicitement à un renforcement du « moment hamiltonien » amorcé pendant la pandémie, c’est-à-dire la bascule vers une mise en commun des dettes publiques nationales. De quoi répondre à Paul Volcker qui, en 2011, envoyait un pied de nez au vieux continent en affirmant que « l’Europe est à l’heure d’Alexander Hamilton, mais il n’y a pas d’Alexander Hamilton en vue ». Nos dirigeants européens se seraient-ils enfin glissés dans ce personnage ?
La situation diffère cependant encore en Europe, comme le soulignait le professeur d’économie Hubert Kempf dans un billet. En 1790, Hamilton a non seulement consolidé la dette fédérale, mais il a auss