Économie

Libéralisation financière et niveaux de taxation

Économiste

Comment le développement de la finance a-t-il été une source importante d’inégalités économiques ? Pour répondre à cette question, il faut comprendre comment l’intégration croissante des marchés financiers au niveau international depuis le début des années 1980 a affecté les taux de taxation effectifs des revenus personnels et des entreprises dans les pays développés.

L’intégration des marchés financiers est étroitement liée à la forte libéralisation des systèmes financiers à l’œuvre dans l’ensemble des pays développés, principalement depuis les années 1970. Ce mouvement de libéralisation renvoie à un affaiblissement de la régulation des activités bancaires et financières contribuant au développement des marchés financiers et des activités bancaires avec l’apparition de nouveaux acteurs et de nouveaux produits financiers et bancaires.

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Par ailleurs, la libéralisation financière peut revêtir une dimension internationale, avec un assouplissement des mécanismes de contrôle des capitaux visant à développer les transactions financières entre pays.

D’une part, un très grand nombre de chercheurs se sont intéressés à la manière dont l’internationalisation des activités économiques et financières a pu contribuer à réduire les taux de taxation sur les sociétés. D’un point de vue théorique, une plus forte mobilité des capitaux au niveau international aurait pour effet de réduire la taxation sur les revenus du capital, y compris sur les bénéfices enregistrés par les entreprises. Même si les résultats issus de différentes études empiriques sont en revanche plus contrastés, plusieurs analyses montrent qu’une hausse de la mobilité du capital est associée à de plus faibles taux sur les revenus du capital et à des taux plus élevés sur les revenus du travail[1].

D’autre part, des études historiques sur des données comparatives ont pu montrer que la crainte de voir une croissance économique plus faible qu’espérée avait joué un rôle important dans la décision des gouvernements de réduire le niveau de taxation des individus les plus aisés[2]. Dans la même direction, une modification des conditions macroéconomiques et/ou politiques dans les pays de l’OCDE ne semble pas avoir eu d’effets sur les taux portant sur les revenus des plus aisés. La mondialisation des biens et des services a pu par ailleurs permettre aux individus les plus aisés de r


[1] Voir par exemple Lucas Bretschger et Frank Hettich, « Globalisation, Capital Mobility and Tax Competition: Theory and Evidence for OECD Countries », European Journal of Political Economy, vol. 18, 2002/4, p. 695-716 et Manmohan Kumar et Dennis Quinn, « Globalization and Corporate Taxation », International Monetary Fund Working Paper, 2012/252.

[2] Voir Kenneth Scheve et David Stasavage, Taxing the Rich: A History of Fiscal Fairness in the United States and Europe, Princeton University Press, 2016.

[3] Voir Peter Egger, Sergey Nigai et Nora Strecker, « The Taxing Deed of Globalization », American Economic Review, vol. 109, 2019/2, p. 353-390.

[4] Les taux d’imposition légaux (statutaires) ont connu une baisse continue entre 1980 et 2024.

[5] Comparé à l’ensemble des pays développés, en France, le taux de taxation sur les sociétés a connu de plus fortes fluctuations au cours du temps, tout en se situant légèrement au-dessus de la moyenne entre 1950 et 2022.

[6] Le taux de rentabilité compare le résultat net (qui augmente avec la baisse du taux de taxation sur les sociétés) aux capitaux investis par les investisseurs.

[7] De manière symétrique, il est également intéressant de souligner qu’un renforcement de la régulation du secteur financier et bancaire a pu contribuer à une hausse des taux de taxation des individus les plus aisés.

[8] Les données indiquent qu’aux États-Unis, le taux effectif de taxation est passé de près de 33 % en 1970 à 13 %, soit une baisse de près de 60 %.

[9] Voir Thomas Philippon et Ariell Reshef, « Wages and Human Capital in the U.S. Finance Industry: 1909-2006 », The Quarterly Journal of Economics, vol. 127, 2012/4, p. 1551-1609, Olivier Godechot, « Is Finance Responsible for the Rise in Wage Inequality in France? », Socio-Economic Review, vol. 10, 2012/3, p. 447-470 ou encore Ken-Hou Lin et Megan Tobias Neely, Divested: Inequality in the Age of Finance, Oxford University Press, 2020.

[10] Voir Jon Bakija, Adam Cole et Bradley Heim, « Jobs

Thibault Darcillon

Économiste, Maître de conférences à l'université Paris VIII Vincennes – Saint-Denis, membre de l’axe de recherche « Économie politique et institutions » du Laboratoire d’économie dionysien (LED, Paris VIII)

Notes

[1] Voir par exemple Lucas Bretschger et Frank Hettich, « Globalisation, Capital Mobility and Tax Competition: Theory and Evidence for OECD Countries », European Journal of Political Economy, vol. 18, 2002/4, p. 695-716 et Manmohan Kumar et Dennis Quinn, « Globalization and Corporate Taxation », International Monetary Fund Working Paper, 2012/252.

[2] Voir Kenneth Scheve et David Stasavage, Taxing the Rich: A History of Fiscal Fairness in the United States and Europe, Princeton University Press, 2016.

[3] Voir Peter Egger, Sergey Nigai et Nora Strecker, « The Taxing Deed of Globalization », American Economic Review, vol. 109, 2019/2, p. 353-390.

[4] Les taux d’imposition légaux (statutaires) ont connu une baisse continue entre 1980 et 2024.

[5] Comparé à l’ensemble des pays développés, en France, le taux de taxation sur les sociétés a connu de plus fortes fluctuations au cours du temps, tout en se situant légèrement au-dessus de la moyenne entre 1950 et 2022.

[6] Le taux de rentabilité compare le résultat net (qui augmente avec la baisse du taux de taxation sur les sociétés) aux capitaux investis par les investisseurs.

[7] De manière symétrique, il est également intéressant de souligner qu’un renforcement de la régulation du secteur financier et bancaire a pu contribuer à une hausse des taux de taxation des individus les plus aisés.

[8] Les données indiquent qu’aux États-Unis, le taux effectif de taxation est passé de près de 33 % en 1970 à 13 %, soit une baisse de près de 60 %.

[9] Voir Thomas Philippon et Ariell Reshef, « Wages and Human Capital in the U.S. Finance Industry: 1909-2006 », The Quarterly Journal of Economics, vol. 127, 2012/4, p. 1551-1609, Olivier Godechot, « Is Finance Responsible for the Rise in Wage Inequality in France? », Socio-Economic Review, vol. 10, 2012/3, p. 447-470 ou encore Ken-Hou Lin et Megan Tobias Neely, Divested: Inequality in the Age of Finance, Oxford University Press, 2020.

[10] Voir Jon Bakija, Adam Cole et Bradley Heim, « Jobs