Société

Loi(s) « immigration-asile » : xénophobie ou racisme d’État ?

Politiste

Moins d’un an après la dite loi Darmanin, un projet de loi du ministre de l’Intérieur du gouvernement à peine censuré a cherché à durcir la politique migratoire, au titre de la doxa d’une « immigration hors contrôle ». Cette politique d’inhospitalité frappe d’abord les Sud, laissant entrevoir un racisme d’État, au-delà d’une simple xénophobie d’État.

13 octobre 2024. Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, déclare : « Il faudra une nouvelle loi immigration pour adapter un certain nombre de dispositions. » Dix mois après la loi immigration-asile, dite loi « Darmanin », promulguée le 26 janvier 2024, un autre projet est déjà prévu qui confirme l’extraordinaire prurit législatif sur ces sujets. Ceux-là mêmes qui, depuis 1945, ont conduit la France à légiférer tous les deux ans, en moyenne. Il faut y ajouter bien d’autres textes de nature diverse arrêtés par l’exécutif pour mettre en scène sa détermination à lutter contre un supposé laxisme migratoire.

publicité

Matignon et le ministre de l’Intérieur s’apprêtent donc à renforcer les mesures en vigueur et, sans doute, à établir un nouveau record alors que les ultimes décrets d’application de la loi précitée ont été publiés au Journal officiel les 14 et 16 juillet dernier. Sans équivalent, cet hyper-activisme législatif et réglementaire est légitimé par une construction discursive et politique devenue doxa dominante : « l’immigration est hors contrôle ».

Pour partie empruntée au Front national puis à son héritier : le Rassemblement national, cette rhétorique fallacieuse est désormais mobilisée par les partis de gouvernement de droite, de nombreux médias et diverses personnalités. À ceux-là, François Héran, professeur au Collège de France, rétorque qu’il s’agit d’une « contre-vérité ». Cité par lui, un rapport de l’ONU de 2020 en atteste : dans l’Hexagone, l’augmentation du nombre d’immigré-e-s est « linéaire, nullement exponentielle » et ils représentent 13,1 % de la population totale contre 14,2 % au Royaume-Uni et en Irlande, et 18,9 % en Allemagne et Autriche.

Ignorant les travaux des universitaires, des chercheurs et d’ONG reconnues, la majorité des responsables politiques entretient inlassablement l’opinion selon laquelle le pays serait confronté à une situation inédite et constitutive de menaces existentielles pour son identité, sa civilisation et ses valeur


[1] En 2012, les autorités espagnoles ont réformé un dispositif voisin en adoptant de nombreuses dispositions restrictives. Suite à l’« augmentation de l’incidence des maladies infectieuses » et à une « surmortalité » constatée, ces mesures ont été abrogées en 2018. Voir « L’appel de 3 000 soignants : « Nous demandons le maintien de l’aide médicale d’État pour la prise en charge des soins des personnes étrangères »», Le Monde, 2 novembre 2023.

[2] Le 26 janvier 2023, après avoir noté « qu’il est saisi du huitième projet de loi majeur réformant sur des points essentiels » le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en vigueur depuis « seize ans », le Conseil d’Etat ajoute : « La complexité croissante des actes, titres, procédures résulte d’une stratification des règles qui, pour les agents en charge de la mise en œuvre comme pour les personnes concernées, complique la maitrise du droit… »

[3] Voir cette directive et les articles R 581-1 à R 581-19 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

[4] Les demandes d’asile sont d’abord examinées par l’OFPRA. En cas de rejet, les requérant-e-s peuvent saisir la Cour nationale du droit d’asile. L’ensemble de la procédure peut durer des mois, parfois des années.

[5] À la question, faut-il accueillir les Ukrainiens ? Marine Le Pen répond : « bien sûr » cependant que le maire Rassemblement national de Perpignan, Louis Alliot, déclare : « patriotes de tous les pays, unissez-vous. Il y a une dimension de fraternité avec des gens qui se battent pour sauver leur pays. »

[6] Bilan établi dans un rapport sénatorial de 2012 cité par Le Monde, 9 novembre 2022.

[7] Sources : le ministère de l’Intérieur. En 2021, 120 685 demandes d’asile ont été déposées en France. Au regard à la population totale, le ratio est de 0, 18 %.

[8] Alexis Spire, Etrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005.

[9] Pierre Bourdieu, « Combattre la xénophobie d’Etat

Olivier Le Cour Grandmaison

Politiste, Maître de conférence en science politique et philosophie politique à l'Université Paris-Saclay Évry-Val-d'Essonne

Mots-clés

Sans-papiers

Notes

[1] En 2012, les autorités espagnoles ont réformé un dispositif voisin en adoptant de nombreuses dispositions restrictives. Suite à l’« augmentation de l’incidence des maladies infectieuses » et à une « surmortalité » constatée, ces mesures ont été abrogées en 2018. Voir « L’appel de 3 000 soignants : « Nous demandons le maintien de l’aide médicale d’État pour la prise en charge des soins des personnes étrangères »», Le Monde, 2 novembre 2023.

[2] Le 26 janvier 2023, après avoir noté « qu’il est saisi du huitième projet de loi majeur réformant sur des points essentiels » le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en vigueur depuis « seize ans », le Conseil d’Etat ajoute : « La complexité croissante des actes, titres, procédures résulte d’une stratification des règles qui, pour les agents en charge de la mise en œuvre comme pour les personnes concernées, complique la maitrise du droit… »

[3] Voir cette directive et les articles R 581-1 à R 581-19 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

[4] Les demandes d’asile sont d’abord examinées par l’OFPRA. En cas de rejet, les requérant-e-s peuvent saisir la Cour nationale du droit d’asile. L’ensemble de la procédure peut durer des mois, parfois des années.

[5] À la question, faut-il accueillir les Ukrainiens ? Marine Le Pen répond : « bien sûr » cependant que le maire Rassemblement national de Perpignan, Louis Alliot, déclare : « patriotes de tous les pays, unissez-vous. Il y a une dimension de fraternité avec des gens qui se battent pour sauver leur pays. »

[6] Bilan établi dans un rapport sénatorial de 2012 cité par Le Monde, 9 novembre 2022.

[7] Sources : le ministère de l’Intérieur. En 2021, 120 685 demandes d’asile ont été déposées en France. Au regard à la population totale, le ratio est de 0, 18 %.

[8] Alexis Spire, Etrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005.

[9] Pierre Bourdieu, « Combattre la xénophobie d’Etat