Économie

L’État néolibéral contre la planification

Économiste

La question des formes de planification revient dans le débat public, notamment dans la perspective d’une transition écologique. Cependant, l’aggravation des politiques d’austérité et des mesures de régression écologique et sociale, notamment en France, semble aller dans une direction opposée. Quelle place le néolibéralisme peut-il laisser à des perspectives de planification ?

Le néolibéralisme peut être considéré comme inaugurant, à partir de la décennie 1990, une conception et une pratique du rôle de l’État cohérentes et nouvelles dans l’histoire du capitalisme. Il configure en effet un État principal organisateur des marchés et de la concurrence.

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Dans la mesure où les crises financières récurrentes, la crise sociale, la crise écologique font revenir dans le débat public la thématique de la planification, on peut se demander si cette forme contemporaine d’intervention de l’État ouvre un espace renouvelé pour des formes de planification ou, au contraire, si elle s’y oppose frontalement et lui fait obstacle.

L’État néolibéral : un État fort et actif

Il est important tout d’abord, avant d’examiner l’action effective de l’État à cette étape du capitalisme, de préciser quelle conception de son rôle sous-tend le projet néolibéral. En effet, prévaut souvent l’idée erronée, y compris au sein des forces sociales opposées au néolibéralisme, que celui-ci supposerait un État minimal réduit à ses fonctions régaliennes, voire absent du fonctionnement de l’économie et plus globalement de l’organisation sociale. En réalité, deux représentations du rôle de l’État dans l’économie, deux cohérences en apparence contradictoires coexistent dans l’histoire de la pensée économique depuis ses débuts.

Le paradigme des défaillances du marché. L’idée est apparue dès la naissance de l’économie politique, Adam Smith par exemple constatant que, si prédominantes que soient la concurrence et la « main invisible » du marché, elles ne sont pas en mesure d’assurer la fourniture de biens comme les ponts ou l’instruction publique[1]. Mais c’est Alfred Marshall qui, à la fin du XIXe siècle, systématise cette idée[2].

Les défaillances du marché désignent des cas de figure où la régulation par la seule concurrence ne permet pas à l’économie d’atteindre une situation optimale d’allocation des ressources : il demeure des pénuries, du gaspillage, des goulots d’étranglem


[1] Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.

[2] Alfred Marshall, Principes d’économie politique, 1890.

[3] Arthur Cecil Pigou, The Economics of Welfare, 1920. Pigou préconise une taxation des activités génératrices d’externalités négatives de façon à inciter les agents économiques qui en sont à l’origine à « internaliser les externalités », c’est-à-dire à intégrer dans leurs calculs les coûts pour la collectivité. L’exemple le plus emblématique est l’écotaxe, ou système « pollueur-payeur », sous toutes ses formes.

[4] Friedrich von Hayek, La Route de la servitude, 1944.

[5] Adolph Wagner, Les Fondements de l’économie politique, 1872.

[6] Pierre Dardot et Christian Laval, La Nouvelle raison du monde. Essai sur le capitalisme néolibéral, La Découverte, 2010.

[7] Ibid.

[8] Les références sont nombreuses. Les principaux fondateurs sont Robert Barro, Robert Lucas et Thomas Sargent. Voir, par exemple, Thomas Sargent, « Rational Expectations », The Concise Encyclopedia ou, dans une perspective critique, Emmanuelle Bénicourt et Bernard Guerrien, La Théorie économique néoclassique. Microéconomie, macroéconomie et théorie des jeux, La Découverte, 2008.

[9] Herbert Simon, « A Behavioral Model of Rational Choice », The Quarterly Journal of Economics, vol. 69, 1955/1, p. 99-118.

[10] Banque mondiale, « Des institutions pour les marchés », in Rapport sur le développement dans le monde, 2022.

[11] Douglass North, Institutions and Economic Growth: An historical introduction, Elsevier, 1989.

[12] Patrick Rozenblatt et Djaouidah Séhili (dir.), Le Mirage de la compétence, Syllepse, 2021.

[13] Françoise Dreyfus, « La Révision générale des politiques publiques, une conception néolibérale du rôle de l’État ? », Revue française d’administration publique, n° 136, 2010, p. 857-864.

[14] Benjamin Coriat (dir.), Le Retour des communs. La crise de l’idéologie planétaire, Les liens qui libèrent, 2015.

[15] Bruno Amable, La Résistible ascension du néol

Stéphanie Treillet

Économiste, Membre de l'unité de recherche « Analyse des crises et transitions » (ACT, université Sorbonne-Paris-Nord)

Mots-clés

Néolibéralisme

Notes

[1] Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.

[2] Alfred Marshall, Principes d’économie politique, 1890.

[3] Arthur Cecil Pigou, The Economics of Welfare, 1920. Pigou préconise une taxation des activités génératrices d’externalités négatives de façon à inciter les agents économiques qui en sont à l’origine à « internaliser les externalités », c’est-à-dire à intégrer dans leurs calculs les coûts pour la collectivité. L’exemple le plus emblématique est l’écotaxe, ou système « pollueur-payeur », sous toutes ses formes.

[4] Friedrich von Hayek, La Route de la servitude, 1944.

[5] Adolph Wagner, Les Fondements de l’économie politique, 1872.

[6] Pierre Dardot et Christian Laval, La Nouvelle raison du monde. Essai sur le capitalisme néolibéral, La Découverte, 2010.

[7] Ibid.

[8] Les références sont nombreuses. Les principaux fondateurs sont Robert Barro, Robert Lucas et Thomas Sargent. Voir, par exemple, Thomas Sargent, « Rational Expectations », The Concise Encyclopedia ou, dans une perspective critique, Emmanuelle Bénicourt et Bernard Guerrien, La Théorie économique néoclassique. Microéconomie, macroéconomie et théorie des jeux, La Découverte, 2008.

[9] Herbert Simon, « A Behavioral Model of Rational Choice », The Quarterly Journal of Economics, vol. 69, 1955/1, p. 99-118.

[10] Banque mondiale, « Des institutions pour les marchés », in Rapport sur le développement dans le monde, 2022.

[11] Douglass North, Institutions and Economic Growth: An historical introduction, Elsevier, 1989.

[12] Patrick Rozenblatt et Djaouidah Séhili (dir.), Le Mirage de la compétence, Syllepse, 2021.

[13] Françoise Dreyfus, « La Révision générale des politiques publiques, une conception néolibérale du rôle de l’État ? », Revue française d’administration publique, n° 136, 2010, p. 857-864.

[14] Benjamin Coriat (dir.), Le Retour des communs. La crise de l’idéologie planétaire, Les liens qui libèrent, 2015.

[15] Bruno Amable, La Résistible ascension du néol