Société

Lutter contre la menace terroriste ou la fabriquer : sur les assignations à résidence pendant les JO

Juriste

Si le bilan sécuritaire des JO a été largement salué, il masque une utilisation extensive des mesures antiterroristes, au premier rang desquels figure l’assignation à résidence. 547 personnes ont été ciblées par les « MICAS », incluant non plus seulement des condamnés pour « terrorisme » mais aussi leur entourage, sur la base d’éléments souvent déformés et peu contrôlés.

13 mai 2024, 14 h. Un jeune homme d’une vingtaine d’années patiente devant un tribunal administratif d’Île-de-France. À l’intérieur, cinq policiers l’attendent pour le fouiller et l’escorter jusqu’à la salle d’audience. Ils resteront dans l’embrasure de la porte durant toute sa durée, puis l’escorteront jusqu’à la sortie. Quel est ce contentieux administratif où les requérants sont fouillés à l’entrée du tribunal, sont sous haute surveillance à l’intérieur, et en repartent a priori libres ?

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Ce jeune homme est là pour une audience bien particulière : depuis peu, il fait l’objet d’une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) pendant toute la durée des Jeux olympiques, avec l’obligation de rester sur le territoire de sa commune, de ne pas se rendre sur certains lieux, ainsi que sur le trajet de la flamme olympique.

Les MICAS sont des mesures de police administrative dite « antiterroriste », issues de la transposition dans le droit commun de l’état d’urgence « sécuritaire », appliqué de 2015 à 2017[1]. Celle-ci a notamment eu pour effet d’inscrire dans le Code de la sécurité intérieure (CSI) certaines des mesures-phares de ce régime d’exception, mais sous d’autres appellations. Les « perquisitions administratives » sont ainsi devenues des « visites domiciliaires », et les « assignations à résidences », des MICAS. Elles incarnent un mouvement qui a été qualifié de « normalisation » de l’état d’urgence[2].

Concrètement, les MICAS sont des mesures antiterroristes visant à « neutraliser » un individu : elles l’obligent à rester dans un périmètre déterminé, à pointer quotidiennement à heure fixe et, parfois, lui interdisent de paraître dans certains lieux, ou de fréquenter certaines personnes. Le manquement à ces obligations est passible de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

La MICAS diffère toutefois de son ancêtre qu’est l’assignation à résidence pendant l’état d’urgence : alors que cette dernière vise la prévention d


[1]Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ; ce texte a été considérablement modifié, notamment, au cours de la mise en œuvre suite aux attentats terroristes de 2015. Sur ce texte, voir notamment : Olivier Beaud, Cécile Guérin-Bargues, L’état d’urgence. Une étude constitutionnelle, historique et critique, 2ème ed., LGDJ, 2018 ; Stéphanie Hennette Vauchez dir., Ce qui reste(ra) toujours de l’urgence, Éditions IFDJ, 2018. Sur les origines historiques, et notamment coloniales, du texte, voir Sylvie Thénault, « L’état d’urgence (1955-2005). De l’Algérie coloniale à la France contemporaine : destin d’une loi », Le Mouvement Social, 2007, vol. 1, n° 218, pp. 63-78.

[2]Voir notamment Stéphanie Hennette-Vauchez, La démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente, Seuil, 2022, 224 p.

[3] Art. L. 228-1 et suivants du CSI.

[4]En lien local avec les groupes d’évaluation départementaux (GED) pilotés par les préfets, qui reçoivent l’ensemble des signalements pour radicalisation émanant d’institutions publiques. Voir notamment Laurent Bonelli « « Renseignement intérieur et antiterrorisme en France » in Jacques de Maillard, Wesley G. Skogan, Police et société en France, 2023, Sciences Po Les Presses, pp. 214-215 ; Lili Soussoko, « La prévention de la radicalisation au-delà du travail sécuritaire Quand l’expertise fait conflit », Gouvernement et action publique, VOL. 12(3), 2023, pp. 29-51.

[5]Sur les structures des services de renseignement, voir Béatrice Guillaumin, L’appareil français de renseignement : une administration ordinaire aux attributs extraordinaires, thèse de droit public, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2021, 662 p. ; Lilian Dailly, Le renseignement. Étude de droit public, thèse de droit public, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022, 638 p.

[6]Selon les données transmises par le Gouvernement au Parlement qui s’étendent, pour chaque année, du 31 octobre au 1er novembre de l’année suivante.

[7]5ème Rapport du Gouvernement

Nicolas Klausser

Juriste, Chargé de recherche CNRS au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP)

Notes

[1]Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ; ce texte a été considérablement modifié, notamment, au cours de la mise en œuvre suite aux attentats terroristes de 2015. Sur ce texte, voir notamment : Olivier Beaud, Cécile Guérin-Bargues, L’état d’urgence. Une étude constitutionnelle, historique et critique, 2ème ed., LGDJ, 2018 ; Stéphanie Hennette Vauchez dir., Ce qui reste(ra) toujours de l’urgence, Éditions IFDJ, 2018. Sur les origines historiques, et notamment coloniales, du texte, voir Sylvie Thénault, « L’état d’urgence (1955-2005). De l’Algérie coloniale à la France contemporaine : destin d’une loi », Le Mouvement Social, 2007, vol. 1, n° 218, pp. 63-78.

[2]Voir notamment Stéphanie Hennette-Vauchez, La démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente, Seuil, 2022, 224 p.

[3] Art. L. 228-1 et suivants du CSI.

[4]En lien local avec les groupes d’évaluation départementaux (GED) pilotés par les préfets, qui reçoivent l’ensemble des signalements pour radicalisation émanant d’institutions publiques. Voir notamment Laurent Bonelli « « Renseignement intérieur et antiterrorisme en France » in Jacques de Maillard, Wesley G. Skogan, Police et société en France, 2023, Sciences Po Les Presses, pp. 214-215 ; Lili Soussoko, « La prévention de la radicalisation au-delà du travail sécuritaire Quand l’expertise fait conflit », Gouvernement et action publique, VOL. 12(3), 2023, pp. 29-51.

[5]Sur les structures des services de renseignement, voir Béatrice Guillaumin, L’appareil français de renseignement : une administration ordinaire aux attributs extraordinaires, thèse de droit public, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2021, 662 p. ; Lilian Dailly, Le renseignement. Étude de droit public, thèse de droit public, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022, 638 p.

[6]Selon les données transmises par le Gouvernement au Parlement qui s’étendent, pour chaque année, du 31 octobre au 1er novembre de l’année suivante.

[7]5ème Rapport du Gouvernement