Lutter contre la menace terroriste ou la fabriquer : sur les assignations à résidence pendant les JO
13 mai 2024, 14 h. Un jeune homme d’une vingtaine d’années patiente devant un tribunal administratif d’Île-de-France. À l’intérieur, cinq policiers l’attendent pour le fouiller et l’escorter jusqu’à la salle d’audience. Ils resteront dans l’embrasure de la porte durant toute sa durée, puis l’escorteront jusqu’à la sortie. Quel est ce contentieux administratif où les requérants sont fouillés à l’entrée du tribunal, sont sous haute surveillance à l’intérieur, et en repartent a priori libres ?
Ce jeune homme est là pour une audience bien particulière : depuis peu, il fait l’objet d’une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) pendant toute la durée des Jeux olympiques, avec l’obligation de rester sur le territoire de sa commune, de ne pas se rendre sur certains lieux, ainsi que sur le trajet de la flamme olympique.
Les MICAS sont des mesures de police administrative dite « antiterroriste », issues de la transposition dans le droit commun de l’état d’urgence « sécuritaire », appliqué de 2015 à 2017[1]. Celle-ci a notamment eu pour effet d’inscrire dans le Code de la sécurité intérieure (CSI) certaines des mesures-phares de ce régime d’exception, mais sous d’autres appellations. Les « perquisitions administratives » sont ainsi devenues des « visites domiciliaires », et les « assignations à résidences », des MICAS. Elles incarnent un mouvement qui a été qualifié de « normalisation » de l’état d’urgence[2].
Concrètement, les MICAS sont des mesures antiterroristes visant à « neutraliser » un individu : elles l’obligent à rester dans un périmètre déterminé, à pointer quotidiennement à heure fixe et, parfois, lui interdisent de paraître dans certains lieux, ou de fréquenter certaines personnes. Le manquement à ces obligations est passible de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
La MICAS diffère toutefois de son ancêtre qu’est l’assignation à résidence pendant l’état d’urgence : alors que cette dernière vise la prévention d’une « menace pour la sécurité et l’ordre public », les MICAS font – théoriquement – l’objet de conditions plus strictes, en ce qu’elles ne peuvent être édictées qu’« aux seules fins de la lutte contre le terrorisme ».
La loi précise encore qu’elles ne peuvent être prises qu’à la double condition qu’il existe à l’égard des personnes visées « des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics » et qu’elles remplissent une, voire les deux, conditions suivantes : soit, elles « entrent en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme », soit elles « soutiennent, diffusent, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhèrent à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes[3]».
Les MICAS sont signées par le ministre de l’Intérieur sur proposition de la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ). Concrètement, les services de renseignement transmettent à cette dernière des propositions de MICAS, et la DLPAJ est chargée de contrôler si les éléments avancés suffisent juridiquement pour justifier une telle mesure. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), chargée de la surveillance du « haut du spectre » de la menace terroriste, le Service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) et le Service central du renseignement territorial (SCRT), chargé des menaces considérées comme de plus faible intensité[4], apparaissent comme les principaux acteurs de l’appareil français de renseignement impliqués dans cette chaîne procédurale[5].
Ces derniers rédigent des « notes blanches », ces supports par lesquels ils décrivent les faits caractérisant – selon leur doctrine – une menace, et proposent la prise d’une mesure de police administrative. Selon leurs promoteurs, ces mesures permettent de « neutraliser » le « bas du spectre » de la menace terroriste à moindre coût, car l’essentiel de la surveillance repose sur le respect par l’individu des mesures qui lui sont imposées, manque de quoi, ce dernier s’expose à des poursuites pénales.
Avant les Jeux Olympiques, le nombre annuel de MICAS était de 71 pour l’exercice 2017-2018[6], 230 pour 2018-2019, 317 pour l’année 2020-2021, et 273 pour l’année 2021-2022, selon le dernier rapport transmis par le Gouvernement au Parlement[7]. Dans la continuité d’une précédente étude menée sur l’application de l’état d’urgence[8], nous avons entamé une étude similaire portant sur les MICAS[9], en collectant et analysant l’ensemble des jugements rendus portant sur des recours exercés par des personnes concernées par de telles mesures[10]. Pour compléter ce matériel de recherche, nous souhaitions assister à des audiences devant les tribunaux administratifs, afin de saisir – comme cela a pu être fait en matière pénale[11], le droit antiterroriste en train de se faire : comment les MICAS sont-elles défendues, et comment sont-elles contrôlées ? Une difficulté est néanmoins assez vite apparue : le taux de recours contre les MICAS étant d’environ 15 %[12], les audiences sont peu nombreuses. C’était sans compter sur les Jeux Olympiques.
Dès le 24 mai 2024, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, avait annoncé une intensification du recours aux MICAS, notamment dans le contexte du relais de la flamme. Nous avons en effet pu constater, au gré d’échanges avec des avocat-es et des greffes de tribunaux administratifs d’Île-de-France, que de plus en plus d’audiences relatives à des recours exercés contre des MICAS avaient lieu plusieurs fois par jour, à tel point que se présentait l’embarras du choix des audiences auxquelles assister. Au total, ce sont 547 MICAS qui ont été édictées pendant les Jeux olympiques[13], soit approximativement deux fois plus en trois mois que sur un an. Cette augmentation est le fruit d’une « stratégie d’entrave » déployée par le ministère de l’Intérieur, visant à ce que des MICAS soient systématiquement proposées pour certains profils[14].
La procédure mise en place est simple : une visite domiciliaire est sollicitée par les préfets auprès des juges de la liberté et de la détention afin de collecter des informations[15], puis une MICAS est édictée quelques jours plus tard. Afin de tenter de saisir les profils de ces individus constituant cette menace terroriste intensivement ciblée pendant les Jeux olympiques, la méthode a consisté à analyser les motifs avancés par les services de renseignement et la DLPAJ. Pour ce faire, 22 audiences dans trois tribunaux administratifs d’Île-de-France ont été observées, suivies d’échanges informels ou d’entretiens avec 11 personnes concernées par des MICAS, auxquels s’ajoute la collecte des mémoires et notes des services de renseignement produits par le ministère de l’Intérieur (31 dossiers).
Une extension des profils ciblés
Avant les Jeux olympiques, les profils ciblés par les MICAS se divisent en trois catégories : le premier, majoritaire, concerne les personnes condamnées pour infractions à caractère terroriste, qui se voient placer sous MICAS à leur sortie de prison ; le second est celui des personnes condamnées pour une infraction de droit commun, mais considérées comme « radicalisées » en détention ; et le troisième, minoritaire, concerne les personnes qui n’ont jamais été condamnées pénalement, mais qui sont considérées comme entrant en relation de manière habituelle avec des personnes étiquetées « terroristes », ou qui sont considérées comme faisant l’apologie de tels actes.
Si ces trois profils se retrouvent, logiquement, pendant les Jeux olympiques, il apparaît assez vite au fil des audiences que la troisième catégorie – celle des personnes qui n’ont jamais été condamnées pénalement – a fait l’objet d’un ciblage plus intensif qu’à l’accoutumée.
En témoigne le cas d’une femme résidente de Seine-Saint-Denis, qui a fait l’objet d’une visite domiciliaire mi-juin, puis d’une MICAS dix jours plus tard. Le ministère de l’Intérieur lui reproche « un environnement familial ancré dans le jihadisme et le terrorisme », qui se fonde principalement sur trois éléments : premièrement, une personne de sa fratrie a été condamnée pour association de malfaiteurs à caractère terroriste (AMT), à qui « elle rend régulièrement visite » en détention. Selon le mémoire de la DLPAJ, « cette relation témoigne du fait que la requérante ne condamne manifestement pas les actes commis » par celle-ci. Deuxièmement, elle a été l’épouse religieuse d’un individu « adhérant notamment aux thèses salafistes et fréquentant une mosquée radicale ».
Enfin, elle a « un relationnel choisi acquis à la cause pro-jihadiste et à l’islam radical », car « elle est régulièrement en contact » avec quatre personnes décrites comme « radicalisées », sans que la nature de ces contacts soit précisée. Le mémoire de la DLPAJ précise simplement que « la requérante ne conteste pas sérieusement les relations qui viennent d’être détaillées », illustrant par là même la difficulté, voir l’impossibilité, d’apporter la preuve d’un acte négatif : ne pas être en contact avec, ne pas avoir été à tel endroit, etc.
Au cours de l’audience, la rapporteure public se réapproprie les arguments du ministère de l’Intérieur, et relève que « certes, elle n’a pas été mise en cause pénalement, et aucun élément n’a été découvert lors de la visite domiciliaire », mais cela est sans incidence sur la légalité de la MICAS, conclusions que la formation de jugement suivra[16]. Ce premier exemple est assez évocateur de ce contentieux et la rhétorique argumentative du ministère de l’Intérieur : aucun élément précis quant au comportement de cette femme n’est produit. Il s’agit davantage d’un ensemble d’allégations – des contacts, des visites au parloir, un ancien mariage – qui, prises isolément, ne suffiraient pas à caractériser une menace, mais une fois additionnées et surajoutées au contexte de la menace terroriste général, produisent un récit convaincant pour le juge administratif.
Le cas d’un autre homme illustre également l’extension du périmètre des personnes concernées par une MICAS aux frères et sœurs d’une personne condamnée pour une infraction à caractère terroriste. En l’espèce, le ministère de l’Intérieur considère que le fait pour cet homme de s’être rendu au procès de son frère « pour les faits de vol à main armée en bande organisée en lien avec une entreprise terroriste », dont il « ne saurait se prévaloir du caractère public (…) pour tenter de justifier sa présence », démontre « le soutien à son frère et son approbation des faits pour lesquels il a été poursuivi ». Le tribunal administratif de Melun annulera finalement la MICAS, constatant notamment l’absence de lien entre le requérant et son frère[17].
Au-delà de l’extension du périmètre des individus ciblés – non plus seulement les personnes condamnées pour « terrorisme », mais également leur entourage proche – ces deux cas mettent en lumière qu’à travers ses mémoires, la DLPAJ produit un discours visant à relier certains comportements, certaines relations, à un « ancrage dans l’islam radical ».
Le cas d’un mineur est à cet égard des plus évocateurs. Placé sous MICAS fin juin 2024, le ministère de l’Intérieur fait état de son comportement violent dans son établissement scolaire – que l’avocate du concerné qualifie d’« actes de petite délinquance ». La DLPAJ va néanmoins tenter de les relier à « l’idéologie de l’islam radical », en évoquant trois phrases prononcées par l’intéressé – adressées à un professeur, un surveillant puis une équipe de police municipale – par lesquelles il utilise les termes « sur le coran, la Mecque », ou « au nom d’Allah ». Selon la DLPAJ, « des menaces de violence proférées » en ces termes « révèlent l’adhésion de l’intéressé à la mouvance de l’islam radical ». Plus encore, « de tels propos révèlent que l’intéressé est susceptible d’être sensible à la propagande des organisations terroristes appelant à commettre des actions violentes au nom d’Allah ».
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise annulera sa MICAS, le ministère de l’Intérieur n’établissant pas « l’existence d’un lien entre l’attitude et les paroles de l’intéressé envers des représentants d’autorités publiques, pour regrettables qu’elles soient, et une adhésion explicite de sa part à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant leur apologie », la visite domiciliaire n’ayant – par ailleurs – rien révélé[18].
Cet exemple n’est pas isolé. Il en est ainsi d’un homme faisant partie du personnel d’Air France et qui a, au cours d’un vol Paris-Alger effectué à titre privé, demandé au pilote s’il pouvait accéder à la cabine. Selon la DLPAJ, il « portait un uniforme ressemblant à celui du personnel navigant technique », et « a prétexté faire partie du personnel Air France pour accéder au poste de pilotage », avec « insistance » et « arrogance », démontrant « son aptitude à la dissimulation », et « sa grande détermination à pénétrer dans cette zone hautement sensible ». Comme son avocate le démontrera à l’audience, « l’accès à la cabine peut être accordé à titre exceptionnel par le pilote », le requérant faisant « alors partie du personnel d’Air France » en tant qu’élève-pilote. Quant à sa tenue, il portait – selon son avocate, qui lui a demandé de venir habillé de la même façon à l’audience – l’uniforme que lui a remis Air France pour son travail.
La DLPAJ argue également qu’il « s’absente régulièrement de sa formation pour aller prier avec l’un de ses collègues et le frère de ce dernier (…) qui sont en relation avec la mouvance islamique radicale d’Île-de-France ». Sa MICAS sera finalement annulée par le tribunal administratif de Montreuil en raison de l’absence de précisions sur ce dernier point[19].
Pour un autre exemple significatif, celui d’un homme dont le comportement représente une menace d’une particulière gravité notamment en raison du fait qu’il a attiré l’attention dans une gare SNCF « pour avoir déposé sur le sol un sac à dos dans lequel se trouvaient trois téléphones reliés à des câbles électriques pouvant s’apparenter à une bombe artisanale ». Le tribunal administratif de Montreuil annulera sa MICAS, constatant qu’il est en réalité technicien SNCF, et chargé à ce titre de réaliser « des mesures relatives à la qualité du signal de téléphonie mobile », qui nécessitent « l’utilisation de trois téléphones portables[20]».
Ces exemples témoignent ainsi d’une extension des profils ciblés par le ministère de l’Intérieur, et partant, de la propension de ce dernier à fabriquer une menace terroriste sur la base d’éléments factuels surinterprétés, déformés ou erronés. Ce dernier peut d’ailleurs rarement être questionné à l’audience, n’étant quasiment jamais représenté[21].
Ils sont néanmoins trompeurs, car ils laissent penser que la plupart des MICAS sont annulées, ce qui est loin d’être le cas : sur les 22 audiences observées, seules trois aboutissent à une annulation. Pour un bilan plus exhaustif fourni par le ministère de l’Intérieur, sur les 547 MICAS notifiées et mises en œuvre pendant les Jeux Olympiques, « 189 d’entre elles ont fait l’objet de requêtes devant le juge administratif et, à la fin du mois de novembre 50 d’entre elles, soit 9 % du total, avaient été annulées ou suspendues, souvent pour insuffisance de caractérisation de la menace ou du contenu des notes de renseignement[22]».
Mais cette présentation par la DLPAJ est quelque peu biaisée, au sens où le taux d’annulation est calculé sur l’ensemble des MICAS édictées, et non sur l’ensemble des MICAS contestées (34 % du total). Rapporté à ces dernières, le taux d’annulation est de 26 %, soit nettement plus élevé que le taux d’annulation hors période olympique (environ 10 %), venant ainsi confirmer l’interprétation extensive des MICAS cet été. Néanmoins, la tendance (très) majoritaire du juge administratif à les valider s’explique partiellement par la faiblesse de la charge de la preuve pesant sur l’administration.
Un contrôle juridictionnel particulièrement clément à l’égard de l’administration
Parmi les facteurs explicatifs de ce faible taux d’annulation des MICAS, celui de l’importance accordée aux notes des services de renseignement par le juge administratif ressort particulièrement.
Si le Conseil d’État est venu préciser, pendant l’état d’urgence, que celles-ci pouvaient être prises en considération, à condition d’être suffisamment « précises et circonstanciées[23]», l’application qui en est faite par les tribunaux administratifs témoigne, dans la grande majorité des cas, d’un seuil d’exigence probatoire assez faible. Les MICAS motivées pour des faits s’apparentant à de l’apologie du terrorisme en attestent particulièrement : lorsqu’il est question de publications de contenus sur les réseaux sociaux, les formations de jugement peuvent statuer sans exiger la production de la vidéo à l’origine des poursuites, et se contenter du récit qui en est fait par l’administration.
C’est le cas d’un homme placé sous MICAS dans le seizième arrondissement de Paris en raison d’une vidéo sur le réseau social Tiktok. Selon la note blanche des services de renseignement, cet homme a posté une vidéo le montrant « à proximité de deux policiers français, vêtu d’une tenue traditionnelle afghane et levant le doigt vers le ciel, signe de l’unicité de Dieu et symbolique, étant régulièrement reprise par les djihadistes », avec « une bande sonore diffusant en dari des propos hostiles à l’égard de l’État d’Israël ». Un élément notoire est que le ministère de l’Intérieur ne produit pas, parmi les pièces, ladite vidéo, et la formation de jugement ne l’exige pas le jour de l’audience. Elle ne sera visionnée que sur proposition de l’avocate, amenant une scène inhabituelle, où les trois juges se sont approchés de son ordinateur portable pour la visionner.
Selon son avocate, « cette vidéo a été jugée menaçante pour des raisons qui trouvent toutes une explication bénigne » : il se trouvait devant une mosquée où « la présence policière était renforcée » ce jour-là, correspond à la fête de l’Aïd, raison pour laquelle il « avait revêtu une tenue traditionnelle de fête ». Il « levait le doigt vers le ciel, en signe de communion avec les autres fidèles », et la bande sonore choisie « était alors populaire sur le réseau social TikTok, et dont il comprenait partiellement les paroles », le requérant ne maîtrisant pas le dari. Concernant les paroles incriminées, son avocate précise que « si elles sont particulièrement hostiles à l’État d’Israël », elles « n’incitent pas à la commission d’actes terroristes ». Le tribunal administratif de Paris considère néanmoins que cette vidéo constitue « dans le contexte de menace terroriste élevée liée notamment aux événements du Proche-Orient ainsi qu’à la tenue des Jeux olympiques et paralympiques, une menace d’une particulière gravité[24]».
Un autre exemple de ce faible seuil probatoire est la validation d’une MICAS sur des éléments qui n’ont pas été considérés comme suffisants pour justifier une peine pénale. Un individu relaxé des faits d’apologie du terrorisme, car « il ne pouvait être techniquement prouvé que la diffusion de contenus apologétiques du terrorisme avait été effectuée à partir des comptes utilisés par l’intéressé[25]», a fait l’objet d’une MICAS pour ces mêmes faits, datant de 2020 – soit quatre ans auparavant. Le tribunal administratif de Montreuil a validé cette MICAS, illustrant par là-même la circulation entre dispositifs pénaux et administratifs antiterroristes : des éléments disqualifiés pénalement peuvent être validés administrativement pour neutraliser un individu.
Les effets de ces faibles exigences probatoires et de la validation fréquente des MICAS par le juge administratif sont concrets : la légitimation du ministère de l’Intérieur dans ses pratiques, en consolidant sa doctrine d’action administrative antiterroriste. Des représentants du ministère de l’Intérieur qualifient d’ailleurs le sujet « d’anecdotique », l’administration étant maintenant habituée à en prendre, et confortée par le juge administratif. Au-delà de cette légitimation, cet épisode des Jeux Olympiques témoigne de l’usage extensif qui peut être fait des mesures administratives antiterroristes selon les contextes, marquant ainsi leur potentiel d’instrumentalisation : lutter contre la menace terroriste suppose, au moins partiellement, de la fabriquer.