Psychépolitique : vers un gouvernement des esprits
Notre droit occidental évolue depuis les années 2000 vers une nouvelle ère que j’appelle la psychépolitique[1]. Désormais l’État gouverne les esprits aussi bien que les corps. La vie psychique devient un objet du droit, il en résulte l’émergence d’un sujet psychique et une transformation du statut du corps.

Cette manière de gouverner tend à se renforcer avec l’évolution technologique et l’entrée d’entités non-humaines au sein des sujets de droit. La psychépolitique interroge de manière inédite le rapport du droit à l’invisible et les conditions de garantie d’un État de droit.
La vie psychique devient objet du droit
Dorénavant, le pouvoir de l’État s’exerce activement sur la vie psychique des individus : protection de l’identité, intégrité et épanouissement, interdiction de comportements nuisant au psychisme d’autrui, obligation de soins… Le droit n’encadre plus seulement les conduites physiques – interdiction de traverser au feu rouge, permission de manifester… – mais aussi les états psychiques ou mentaux[1] : intentions, émotions, sentiments, bien-être, mal-être, ou souffrance. Dans ce cadre, la psychépolitique marque une nouvelle étape de la biopolitique développée par Michel Foucault[2].
Selon ce dernier, depuis la fin du XVIIIe siècle, l’État exerce son pouvoir sur les populations, appréhendées comme des êtres vivants dotés d’un corps dont il s’agit de « gérer la vie »[3]. La santé, la sexualité, l’hygiène, la natalité sont ainsi devenus des enjeux essentiels des politiques des États occidentaux qui cherchent à maximiser la vie dans sa dimension biologique. Ainsi, « pour la première fois sans doute dans l’histoire, le biologique se réfléchit dans le politique »[4]. Giorgio Agamben a prolongé ce constat : « L’inscription de la vie biologique au cœur de la politique des États marque[ant] “l’événement décisif de la modernité”[5].» Il insiste sur « cette nouvelle centralité du corps dans la terminologie politico juridique »[6]. Cette « pensée du corps »[7]