International

Trois idées reçues sur l’Ukraine en guerre

Politiste

On pensait qu’on n’aurait plus à lire un article sur la vie quotidienne dans la guerre en Europe. On a d’ailleurs négligé de s’intéresser à cette réalité. Et l’on apprend aujourd’hui ce qu’implique réellement d’organiser une armée populaire, s’engager, déserter, s’entraîner, entrevoir ou non la fin de la guerre. On apprend aussi qu’il y a consensus parmi les Ukrainiens pour dire que l’hostilité russe ne s’arrêtera pas avec Poutine. C’est ainsi que se comprend leur attachement à l’adhésion à l’UE.

«Les Ukrainiens sont fatigués », « l’Ukraine n’arrive plus à recruter des combattants », « les Ukrainiens souhaitent négocier ». Ces commentaires que l’on entend de plus en plus souvent depuis un an dans nos médias et sur nos réseaux sociaux ont toute l’apparence d’un simple constat de faits issus de l’observation.

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Devenus des lieux communs, ces clichés circulent de plateaux de télévision en cercles de réflexion, désormais sous forme d’évidences inébranlables, tout comme étaient une évidence inébranlable la représentation héroïque de l’Ukraine il y a encore deux ans. L’épaisseur sociale de la guerre se perd dans ces diagnostics rapides qui aplanissent les situations complexes, gomment la pluralité des acteurs et négligent les choix difficiles que ces derniers doivent faire. Or, ces énoncés ne sont pas politiquement neutres, car ils construisent une certaine représentation de l’Ukraine qui peut servir à justifier des choix politiques que nos gouvernants sont amenés à faire dans la guerre. Déconstruire les diagnostics de sens commun, c’est aussi nous donner des outils plus fins pour comprendre et agir.

« Les Ukrainiens sont fatigués »

70 % d’Ukrainiens ont en 2024 un proche qui combat ou qui a combattu contre la Russie dans les rangs de l’armée ukrainienne. Près de 80 % déclaraient en 2023 avoir au moins un proche blessé ou mort à la guerre. Ces indicateurs seuls suffisent à montrer le prix considérable que paie la société entière dans ce conflit armé. Au bout de trois ans de guerre de haute intensité, la fatigue des combattants sur le front, celle des institutions fonctionnant en situation d’urgence permanente, et celle des civils devant s’ajuster à un risque quotidien sur tout le territoire du pays, est indéniable. La résistance armée, tout comme la résilience civile, ont un coût, et nous ne mesurons pas encore leur impact durable sur les personnes et la société dans son ensemble.

La fatigue est bien là, et il ne pourrait pas en être autrement. Cependant,


[1] Enquête réalisée sur commande de l’Institut international républicain.

Anna Colin Lebedev

Politiste, maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paris Nanterre, chercheuse à l’ISP (Institut des sciences sociales du politique)

Notes

[1] Enquête réalisée sur commande de l’Institut international républicain.