« C’était donc ici » : dans les prisons du régime Assad
La rumeur de la ville s’estompe. En montant sur la butte du complexe hospitalier déserté, l’endroit est si paisible que les voix résonnent. Un oiseau chante non loin. Deux brancards à roulettes gisent près d’une porte, celle des urgences peut-être. Un pick-up de Hayat Tahrir el Cham (HTC) entre en trombe, fend le silence et disparaît à l’arrière des bâtiments. Dans un grincement métallique, les gardiens en armes referment la barrière d’entrée derrière le véhicule barbouillé de marron, signe distinctif de ceux du mouvement islamiste.

Et le calme retombe, étonnant. Silence peuplé de mille souffles et de peurs.
C’était là. À gauche des bâtisses, légèrement sur les hauteurs. Les hangars des voitures militaires sont vides à présent. Au sol, quelques tâches d’huile, une chaussure de tennis égarée, une veste militaire souillée. Un jasmin parfumé s’appuie contre un pilier en béton pour chercher le soleil.
Lever les yeux et apercevoir le mont Mezzeh sur lequel se dresse le palais présidentiel à quelques centaines de mètres, édifice monumental qui surplombe Damas et le pays entier, impitoyable vigie. Bachar al-Assad y avait ses appartements, ses bureaux. Et à ses pieds, l’hôpital militaire 601 Youssef al-Azmeh, plus connu sous le nom d’« hôpital de la mort ».
En ces journées de décembre, on pensait revenir à Damas comme en terre familière. Un sentiment de vertige et d’inconnu nous saisit. On savait si peu. Témoignages, vidéos, photos, des jours, des semaines à écouter, regarder, scruter. Qu’avait-on réellement entendu, vu, compris ? Les crimes du régime nous échappent encore. Des mots, des lieux nouveaux viendront s’ajouter, compléter, préciser. On croira savoir, on ne saura pas encore.
C’était donc ici.
Des chiffres dans la poussière. Des corps délaissés sur la terre, hommes faméliques, nus le plus souvent, anonymes marqués de numéros au feutre. Les camions de puanteurs montaient jusqu’aux hangars. Des habitants avaient dit que, parfois, l’odeur s’insinuait dans le