L’IU ou l’intelligence des usages
En France, alors que le marché de la construction est en crise, la période est paradoxale : d’un côté, une offre de logements insuffisante, de l’autre côté, une surface résidentielle par habitant qui n’a jamais été aussi élevée (plus de 51 m² en moyenne) et un parc immobilier qui n’a jamais été aussi étendu, avec les impacts que l’on connaît en termes d’artificialisation des sols.

En dézoomant, pour adopter une vision plus large que la seule question immobilière, citons d’autres hors d’échelle ordinaires : les 1700 kg du SUV pour déplacer les 70 kg de l’auto-soliste, sans compter les 15 m² de stationnement en voirie occupés par un véhicule immobile plus de 90 % du temps ; les 150 m² meublés et très bien équipés d’une résidence secondaire habitée uniquement quelques semaines dans l’année ; ou encore, les perceuses et tous les outils hibernant dans nos placards dont la vie active moyenne se compte en… minutes. Quelques illustrations de nos difficultés à jouer collectif, à mutualiser les usages pour les rendre plus légers, plus sobres en ressources, en espace, et moins coûteux pour chacun d’entre nous.
Comment mieux caractériser ces pathologies ? Sur quelle base quantifier la bonne rotation du capital bâti (les infrastructures, les bâtiments), des objets fabriqués (les véhicules, le mobilier) ? Comment peser la « légèreté intégrale », celle d’usages moins gourmands en ressources, majoritairement non renouvelables ? Nous avons logiquement l’habitude de réfléchir en mètres-carrés, en kilos, ou en mètres-cubes de ressources consommées. En oubliant une dimension, celle du temps.
Pourtant nous habitons bien, dans le travelling de nos vies, des volumes d’espace-temps[1] : au cours d’une journée, nous occupons successivement une certaine quantité de mètres-carrés pendant une durée donnée, dans tous les lieux que nous fréquentons, nos chambres, les écoles, les commerces, les hôpitaux, les salles de sports, les bureaux…