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Quel cordon sanitaire contre l’extrême droite en Allemagne ?

Politiste

Alors que l’extrême droite a atteint en février un score jamais vu depuis 1945 en Allemagne, la généralisation d’une forme de conflictualisation au sein du paysage politique allemand pourrait redéfinir sa culture du compromis. Les réponses apportées par les partis de gouvernement à la montée de l’AfD semblent témoigner d’une forme d’impuissance politique susceptible de fragiliser la démocratie allemande.

Les élections fédérales, qui se sont tenues le 23 février 2025, ont vu le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) atteindre un score historique, devenant par la même occasion le premier parti d’opposition du pays, puisqu’il est acté que la CDU-CSU ne gouvernera pas avec elle. En à peine quatre élections, soit 12 années, l’AfD est passée de 4,7% des suffrages (échouant à atteindre le seuil des 5% nécessaires pour entrer au Bundestag) à 12,6% en 2017, puis 10,3% en 2021, et enfin 20,8% en 2025.

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Sous son impulsion, la campagne électorale passée a été d’une réelle violence pour les standards allemands. En témoignent l’usage de slogans renvoyant au nazisme par l’AfD (« Alice für Deutschland » sonnant comme le « Alles für Deutschland » de la SA), le révisionnisme historique de la candidate Alice Weidel, qualifiant Adolf Hitler de communiste lors de son échange avec Elon Musk sur X, les déclarations peu propices au compromis de Friedrich Merz à quelques jours du scrutin (« La gauche est finie. Il n’y a plus de majorité de gauche et plus de politique de gauche en Allemagne ») ou encore les insultes entre partis habitués à gouverner ensemble (Matthias Miersch, secrétaire général du SPD [sociaux-démocrates], traitant Friedrich Merz de « mini-Trump »).

Depuis la fin de la coalition « feu tricolore » SPD, Grünen (écologistes), FDP (libéraux) et l’annonce de nouvelles élections anticipées, le contexte politique allemand s’est incontestablement tendu, la polarisation idéologique s’est accentuée. Le programme de l’AfD, particulièrement radical sur les questions migratoires, européennes et sociales, a fini par irriguer la campagne de la CDU-CSU et dans une moindre mesure du SPD, qui ont tous deux durci leurs positions en matière de politique d’asile. Ainsi, le cordon sanitaire érigé entre tous les partis au Bundestag et l’AfD a été rompu le 29 janvier à l’initiative de la CDU-CSU, lorsque le parti a accepté les voix de l’extrême droite lors du vote d’une


[1] Valérie Dubslaff, « Les traditions de la violence : le terrorisme d’extrême droite en République fédérale d’Allemagne », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 152, 2022, p. 89-106

[2] Ralf Havertz, Radical Right Populism in Germany: AfD, Pegida, and the Identitarian Movement, Routledge, 2021.

[3] Nicolas Bué et Fabien Desage, « Le “monde réel” des coalitions L’étude des alliances partisanes de gouvernement à la croisée des méthodes », Politix, n° 88, 2009 (4), p. 7-37.

[4] Werner Krause, Denis Cohen, Tarik Abou-Chadi, « Does accommodation work? Mainstream party strategies and the success of radical right parties », Political Science Research and Methods, 11, 2023; (1), p. 172-179.

[5] On pense ici au dernier ouvrage de Johann Chapoutot, Les irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ?, Gallimard, 2025.

[6] C’est parce que ce critère n’était pas rempli que le NPD, un parti néo-nazi, n’a pas été interdit en 2017.

[7] Martin Baloge, La politique en Allemagne, La Découverte, 2024.

[8] C’est la thèse défendue par Frank Decker, Fedor Ruhose, et Philipp Adorf dans « The AfD’s Influence on Germany’s Coalition Landscape », in Manès Weisskircher (dir.), Contemporary Germany and the Fourth Wave of Far-Right Politics: From the Streets to Parliament, Routledge, 2023, p. 205-219.

Martin Baloge

Politiste, Enseignant-chercheur à l’Institut Catholique de Lille

Notes

[1] Valérie Dubslaff, « Les traditions de la violence : le terrorisme d’extrême droite en République fédérale d’Allemagne », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 152, 2022, p. 89-106

[2] Ralf Havertz, Radical Right Populism in Germany: AfD, Pegida, and the Identitarian Movement, Routledge, 2021.

[3] Nicolas Bué et Fabien Desage, « Le “monde réel” des coalitions L’étude des alliances partisanes de gouvernement à la croisée des méthodes », Politix, n° 88, 2009 (4), p. 7-37.

[4] Werner Krause, Denis Cohen, Tarik Abou-Chadi, « Does accommodation work? Mainstream party strategies and the success of radical right parties », Political Science Research and Methods, 11, 2023; (1), p. 172-179.

[5] On pense ici au dernier ouvrage de Johann Chapoutot, Les irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ?, Gallimard, 2025.

[6] C’est parce que ce critère n’était pas rempli que le NPD, un parti néo-nazi, n’a pas été interdit en 2017.

[7] Martin Baloge, La politique en Allemagne, La Découverte, 2024.

[8] C’est la thèse défendue par Frank Decker, Fedor Ruhose, et Philipp Adorf dans « The AfD’s Influence on Germany’s Coalition Landscape », in Manès Weisskircher (dir.), Contemporary Germany and the Fourth Wave of Far-Right Politics: From the Streets to Parliament, Routledge, 2023, p. 205-219.