Politique

Trois idées reçues sur les rapports entre le droit et la politique (et sur le « gouvernement des juges »)

Juriste

Le verdict de culpabilité à peine prononcé à l’endroit des dirigeants du Rassemblement national et de leur organisation, la petite musique du « gouvernement des juges » se faisait bruyamment entendre. C’est l’occasion de montrer comment cet argumentaire dangereux et fallacieux a été progressivement inscrit au sein de notre espace démocratique pour saper, en opposant droit et politique, un des fondements de l’État de droit : la séparation des pouvoirs.

De la décision rendue par le Tribunal correctionnel de Paris le 31 mars 2025, dans l’affaire des assistants parlementaires du groupe Rassemblent National au Parlement européen, entre 2014 et 2016, les médias et leurs acteurs font leurs gros titres des peines prononcées, et notamment de celles concernant l’inéligibilité des élus concernés, au premier rang desquels Marine Le Pen. Bien sûr, c’est oublier que le fait le plus important est que les élus aient été reconnus coupables de détournement de fonds publics (et les collaborateurs de recel de détournement de fonds publics).

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Cette condamnation, prononcée par un collège de trois juges, fait suite à la décision prise par des élus d’instituer des mécanismes destinés à assurer la probité de ceux qui ont l’honneur d’exercer un mandat public, que leur ont confié la majorité des électeurs qui se sont exprimés. Mais cet oubli de la condamnation et de son fondement n’est ni un « glissement », ni une « dérive » de la vie politique contemporaine. C’est la suite presque mécanique de ce qui se joue dans notre espace politique depuis déjà quelques temps, transcendant même les clivages politiques.

Certes, la conception française de la « démocratie » a toujours donné aux élus la priorité de légitimité sur tout autre acteur, y compris les juges, mais le système avait été néanmoins acquis à l’idée qu’il était préférable qu’il existe une justice, rendue par des juges, et non par les électeurs seulement, à propos des acteurs politiques et de leurs actions. Ce sont ces acteurs qui ont ainsi forgé, progressivement, tout un ensemble de règles destinées à leur être appliquées, répondant à l’idée de restaurer « la confiance dans la vie politique », ainsi que s’intitulait la loi du 15 septembre 2017.

Mais cette progressivité de l’élaboration d’un droit applicable à la vie politique a donné lieu, dans le même temps, à des déclarations qui entrent en contradiction avec cette intention. Je ne prendrai ici que quelques exemples récents,


Lauréline Fontaine

Juriste, professeure de droit public et constitutionnel à la Sorbonne Nouvelle