Société

Nanterre après la violence : traces et marques des révoltes de juin 2023

Géographe

Plus d’un an et demi s’est écoulé depuis les révoltes de juin 2023 et le meurtre de Nahel, et ces événements ne semblent plus au cœur du débat public et médiatique français. Pourtant, cette semaine d’une intense violence a laissé des traces matérielles et immatérielles à long terme dans la ville de Nanterre. L’analyse spatiale de ces traces semble révéler des conflits latents et des enjeux mémoriaux qui animent acteurs et territoires de la ville.

Lors des révoltes de l’été 2023 qui ont touché la France – du 27 juin au 3 juillet 2023, faisant suite à l’homicide d’un adolescent, Nahel, par un policier – l’exercice de la violence semble aisément perceptible. En effet, de nombreux affrontements directs entre individus ont eu lieu dans une grande partie du territoire français. La répression étatique sur les jeunes a été très forte et intense, tant physiquement que juridiquement, et les destructions matérielles ont été nombreuses durant cette semaine.

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On entendra ici la violence comme l’action d’exercer une force[1], et les révoltes comme une forme de violence populaire, protestataire et politique, qui possède sa propre historicité et sa propre représentation/scénographie[2]. Je choisis volontairement ce terme plutôt qu’un autre car, si la portée politique accordée à cette forme de violence dépend largement de ses commentateurs/participants, elle est aussi variable géographiquement. À Nanterre, la mort de Nahel est indissociable d’une histoire des violences policières et étatiques qui s’inscrivent dans la toponymie même de la ville – Nahel est mort au croisement de la place Nelson Mandela et du boulevard du 17 octobre 1961. L’injustice et la colère ressenties après cette mort font que, s’il y a pu avoir émeute ailleurs durant cette semaine, il y a eu révolte à Nanterre.

Mais la semaine des révoltes en juin 2023, localisée et brève temporellement, ne recouvre pas toutes les formes et modes d’expression de la violence à long terme. De nombreuses recherches s’intéressent en effet aux révoltes pour en comprendre les causes. La majorité des analyses/commentaires des événements se concentrent dans les semaines qui les suivent, puis s’essoufflent. Très peu d’études documentent l’après-violence et l’influence à long terme que peuvent avoir les révoltes sur les territoires, ses habitants et leurs pratiques.

Pourtant, les révoltes laissent des traces : marques d’incendies, vitres brisées, abribus détruits, graffit


[1] Jan Philipp Reemtsma et Bernard Lortholary, Confiance et violence : Essai sur une configuration particulière de la modernité, Paris, Gallimard, 2011.

[2] Gérard Mauger, L’émeute de novembre 2005 – Une révolte protopolitique, Éditions du Croquant, 2006 ; Alessio Motta, Les logiques de la révolte. Bavures et émeutes de Vaulx-en-Velin à Nanterre, 40 ans d’histoire, Éditions Matériologiques, 2023.

[3] Fabrice Ripoll, « Réflexions sur les rapports entre marquage et appropriation de l’espace », dans Mots, traces et marques : dimensions spatiale et linguistique de la mémoire urbaine, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 15-36.

[4] Vincent Veschambre, Traces et mémoires urbaines, Rennes, PUR, 2008.

[5] Patrick Chamoiseau, Guyane : Traces-mémoires du Bagne, Éditions du Patrimoine Centre des monuments nationaux, 1994, p.16.

[6] Sunčana Laketa, « Between “This” Side and “That” Side : On Performativity, Youth Identities and “Sticky” Spaces », Environment and Planning D : Society and Space, août 2017.

[7] Anne Clerval et Laura Wojcik, Les Naufragés du Grand Paris Express, Paris, Zones, 2023.

Paul Bourel

Géographe, Doctorant au sein de l'UMR LAVUE

Notes

[1] Jan Philipp Reemtsma et Bernard Lortholary, Confiance et violence : Essai sur une configuration particulière de la modernité, Paris, Gallimard, 2011.

[2] Gérard Mauger, L’émeute de novembre 2005 – Une révolte protopolitique, Éditions du Croquant, 2006 ; Alessio Motta, Les logiques de la révolte. Bavures et émeutes de Vaulx-en-Velin à Nanterre, 40 ans d’histoire, Éditions Matériologiques, 2023.

[3] Fabrice Ripoll, « Réflexions sur les rapports entre marquage et appropriation de l’espace », dans Mots, traces et marques : dimensions spatiale et linguistique de la mémoire urbaine, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 15-36.

[4] Vincent Veschambre, Traces et mémoires urbaines, Rennes, PUR, 2008.

[5] Patrick Chamoiseau, Guyane : Traces-mémoires du Bagne, Éditions du Patrimoine Centre des monuments nationaux, 1994, p.16.

[6] Sunčana Laketa, « Between “This” Side and “That” Side : On Performativity, Youth Identities and “Sticky” Spaces », Environment and Planning D : Society and Space, août 2017.

[7] Anne Clerval et Laura Wojcik, Les Naufragés du Grand Paris Express, Paris, Zones, 2023.