Espace

Le vol spatial habité européen à l’heure du « Make America great again »

Sociologue

Alors qu’à la tête de la NASA Jared Isaacman promet Mars, la Lune et une économie orbitale, en France, les auditions de l’OPECST sur le vol habité montrent une difficulté à penser une stratégie autonome. Plutôt que de fonder sa politique spatiale sur des critères scientifiques, le pays semble prêt à suivre sans débat le cap imposé par l’astrocapitalisme américain.

Les récents revirements de l’administration Trump en matière de politiques spatiales ont défrayé la chronique, et pas seulement dans les cénacles autorisés de la space policy étasunienne. La déflagration est ressentie de toutes parts : éviction en série de programmes scientifiques – et des scientifiques eux-mêmes – à la NASA et à la NOAA, instrumentalisation clientéliste de la dépendance à la constellation de satellites Starlink par l’Ukraine en échange de ressources minières… dans le fracas occasionné par le Department of government efficiency (DOGE) sous patronage muskien, l’industrie astronautique américaine subit ou profite, c’est selon, mais surtout ébranle le jeu géopolitique global.

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Le domaine plus réservé du vol habité ne fait pas exception. Lors des dernières semaines, les rumeurs de coupes budgétaires ont visé la Lune, alors que le programme Artemis censé y ramener des astronautes (à l’origine en 2024 – en tout cas avant la Chine) semblait être éclipsé par le nouvel objectif martien. La NASA viserait désormais les deux destinations de concert à budget constant : le flottement est total. Par ricochet, c’est l’Europe et plus précisément l’Agence spatiale européenne (ESA) qui s’en trouve chamboulée. Fortement impliquée dans le programme lunaire, elle avance désormais dans l’incertitude : que faire des développements techniques déjà engagés ? Et surtout, comment envisager le futur même du vol habité en l’absence probable de l’allié habituel ?

Si la question de l’autonomie en matière de vol habitée, vieille d’une quarantaine d’années sur le Vieux continent, n’est toujours pas tranchée, elle s’y pose de façon rémanente. Pétrie d’affects, l’idée même d’envoyer elle-même des humains dans l’espace n’a historiquement pas convaincu l’Europe. Orbités par les navettes et capsules des uns ou les Soyouz des autres, les « spationautes » français n’ont jamais été autre chose qu’américains ou russes. La batterie d’arguments en défense du vol habité ne s’essouffle


[1] Les ministérielles de l’ESA sont des réunions réunissant tous les deux à trois ans les ministres des pays membres responsables des affaires spatiales, qui décident du budget et des grandes orientations des programmes de l’Agence spatiale européenne.

[2] Ainsi en 2001 l’OPECST livre ses doutes concernant le vol habité dans l’ISS, estimant que « les expériences en sciences de la matière et en sciences de la vie réalisées dans l’espace peuvent aboutir à des résultats tout à fait intéressants, mais leur coût est très élevé ».

[3] On ne manquera pas de noter les nombreuses affirmations très spéculatives de l’intéressée, lancées pendant l’intervention : hypothèse de bases de ravitaillements sur la Lune pour des « avions spatiaux », industrialisation d’extraction de minerais et de glace pour y générer des ergols, etc.

[4] La question se pose avec d’autant plus d’actualité maintenant que des rumeurs de coopérations approfondies entre la Russie et les États-Unis avec pour objectifs Mars commencent à circuler. Voir Kirill Dmitriev, « Moscow Reaches Out to Musk for Mars Mission », Newsmax, 15 mars 2025.

[5] Ian A. Crawford, « Lunar resources: A review », Progress in Physical Geography: Earth and Environment, vol. 39, n° 2, 2015, p. 137-167. Notons que ces hypothèses ne tiennent pas compte des niveaux de concentration en 3He en profondeur. La surface à excaver pourrait être beaucoup plus grande.

[6] À quoi s’ajoute désormais une attaque en règle contre la liberté académique mondiale, comme en témoigne l’épisode du scientifique français spécialisé dans le spatial refoulé refoulé aux portes des États-Unis en mars 2025.

[7] L’option ballon + orbiteur peut également être envisagée.

[8] On notera ici que ces tours ont largement été cantonnés à la décennie 1960, avec par exemple les visites de Gagarine en France. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui, des taïkonautes chinois venir compter leurs exploits à Paris.

[9]] On pensera notamment ici au respect des « Safety zones » (zon

Irénée Regnauld

Sociologue, doctorant en sociologie à l'EHESS/INSA

Notes

[1] Les ministérielles de l’ESA sont des réunions réunissant tous les deux à trois ans les ministres des pays membres responsables des affaires spatiales, qui décident du budget et des grandes orientations des programmes de l’Agence spatiale européenne.

[2] Ainsi en 2001 l’OPECST livre ses doutes concernant le vol habité dans l’ISS, estimant que « les expériences en sciences de la matière et en sciences de la vie réalisées dans l’espace peuvent aboutir à des résultats tout à fait intéressants, mais leur coût est très élevé ».

[3] On ne manquera pas de noter les nombreuses affirmations très spéculatives de l’intéressée, lancées pendant l’intervention : hypothèse de bases de ravitaillements sur la Lune pour des « avions spatiaux », industrialisation d’extraction de minerais et de glace pour y générer des ergols, etc.

[4] La question se pose avec d’autant plus d’actualité maintenant que des rumeurs de coopérations approfondies entre la Russie et les États-Unis avec pour objectifs Mars commencent à circuler. Voir Kirill Dmitriev, « Moscow Reaches Out to Musk for Mars Mission », Newsmax, 15 mars 2025.

[5] Ian A. Crawford, « Lunar resources: A review », Progress in Physical Geography: Earth and Environment, vol. 39, n° 2, 2015, p. 137-167. Notons que ces hypothèses ne tiennent pas compte des niveaux de concentration en 3He en profondeur. La surface à excaver pourrait être beaucoup plus grande.

[6] À quoi s’ajoute désormais une attaque en règle contre la liberté académique mondiale, comme en témoigne l’épisode du scientifique français spécialisé dans le spatial refoulé refoulé aux portes des États-Unis en mars 2025.

[7] L’option ballon + orbiteur peut également être envisagée.

[8] On notera ici que ces tours ont largement été cantonnés à la décennie 1960, avec par exemple les visites de Gagarine en France. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui, des taïkonautes chinois venir compter leurs exploits à Paris.

[9]] On pensera notamment ici au respect des « Safety zones » (zon