Paradoxe des réformes carcérales : produire le mal-être en voulant l’apaiser
Jamais les prisons françaises n’ont été aussi remplies. Depuis 2020 et la décision inédite de désengorger les établissements pénitentiaires pour faire face à la pandémie de Covid-19, le nombre de personnes incarcérées est en hausse constante. La population carcérale tutoie, à l’automne 2024, les soixante-dix-neuf mille personnes détenues pour soixante-deux mille places, un record historique.

Cette suroccupation se concentre, pour l’essentiel, en maisons d’arrêt, des établissements qui hébergent principalement des personnes condamnées à des peines inférieures à deux ans ainsi que des prévenus et accusés dans l’attente de leur procès. Il n’est désormais plus rare que le taux d’occupation dépasse les 200 % dans certaines maisons d’arrêt, de sorte qu’il existe un paradoxe relevé par nombre d’observateurs : les conditions de détention les plus dégradées sont réservées aux détenus condamnés à de courtes peines ainsi qu’aux personnes présumées innocentes.
En raison du tri social opéré tout au long de la chaîne pénale, les personnes incarcérées appartiennent, dans une large mesure, aux franges les plus précarisées de la population générale. De ce fait, elles sont nombreuses à entrer en prison dans des états de santé particulièrement dégradés. Les ordres de grandeur varient en fonction des échantillons et des protocoles de recherche retenus, mais les enquêtes épidémiologiques qui se sont attachées à évaluer la santé mentale de la population carcérale aboutissent avec une grande régularité au même résultat : les personnes détenues vont mal. Leur santé psychique est particulièrement précaire à tous les moments de leur incarcération : lors de l’entrée, au cours de leur détention et à la sortie.
Ce contexte vient renouveler la vieille question des finalités de la prison. Cette institution a simultanément la tâche d’isoler, de châtier, de corriger ou encore de réhabiliter. Il lui est également demandé de soigner : la prison tend en effet à être perçue de manière croissa