Le conclave à l’épreuve de la globalisation
Laissons un instant de côté le mélange de folklorisme « couleur locale » et de culture du complot qui fleurit depuis quelques jours dans le débat public. Le conclave qui va s’ouvrir ce mercredi 7 mai n’est pas seulement une assemblée d’hommes célibataires âgés chargés d’élire, dans le cadre clos de la chapelle Sixtine et sur la base d’une dynamique de groupe protégée par le secret, le successeur de celui qui a nommé 80% d’entre eux, selon un principe de cooptation étranger aux règles de la représentation auxquelles nous a accoutumés la démocratie libérale.

Pour comprendre l’histoire qui le traverse, il faut remonter au concile Vatican II (1962-1965), et à la mort de celui qui l’avait convoqué, le pape Jean XXIII, le 3 juin 1963, dans un contexte de grande incertitude sur l’avenir immédiat de ce concile. Voici plus d’un demi-siècle, au cours de quatre sessions d’une douzaine de semaines chacune, Vatican II a réuni environ deux milliers de responsables catholiques issus des cinq continents, principalement évêques, appuyés dans leur travail par plus de 500 théologiens érigés au rang d’experts (les periti) officiels ou officieux. Dans l’histoire du catholicisme, il fut la première expérience concrète de ce que l’on n’appelait pas encore la mondialisation.
Venus à Rome au nom d’une foi et d’une appartenance communes, les acteurs du concile découvrirent à l’épreuve des débats que leur foi ne se formulait ni ne se vivait forcément de la même manière selon la culture dont ils étaient issus ou qu’ils étaient censés représenter au titre du diocèse où s’exerçait leur autorité. Cette épreuve inattendue ruina l’espoir entretenu par les milieux conservateurs de la Curie romaine d’un concile court, qui aurait permis d’achever en quelques semaines l’entreprise antimoderne du premier concile du Vatican (1870), interrompue un siècle auparavant par la guerre franco-prussienne.
Ce que l’on a appelé l’aggiornamento conciliaire, c’est-à-dire la « mise à jour » du magistère à l