Société

Le conclave à l’épreuve de la globalisation

Historien

Alors que les tenants d’une catholicité radicalisée et affiliée à l’extrême-droite osent reprocher au pape François son « wokisme », l’ouverture de l’Église aux minorités culturelles constitue un mouvement bien plus large qui témoigne de son inscription dans la globalisation – notamment depuis le concile Vatican II. En ce sens, l’élection du nouveau pape le 7 mai incarne les multiples tensions qui traversent l’institution, entre centralité romaine et élargissement transnational, entre universel et global.

Laissons un instant de côté le mélange de folklorisme « couleur locale » et de culture du complot qui fleurit depuis quelques jours dans le débat public. Le conclave qui va s’ouvrir ce mercredi 7 mai n’est pas seulement une assemblée d’hommes célibataires âgés chargés d’élire, dans le cadre clos de la chapelle Sixtine et sur la base d’une dynamique de groupe protégée par le secret, le successeur de celui qui a nommé 80% d’entre eux, selon un principe de cooptation étranger aux règles de la représentation auxquelles nous a accoutumés la démocratie libérale.

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Pour comprendre l’histoire qui le traverse, il faut remonter au concile Vatican II (1962-1965), et à la mort de celui qui l’avait convoqué, le pape Jean XXIII, le 3 juin 1963, dans un contexte de grande incertitude sur l’avenir immédiat de ce concile.  Voici plus d’un demi-siècle, au cours de quatre sessions d’une douzaine de semaines chacune, Vatican II a réuni environ deux milliers de responsables catholiques issus des cinq continents, principalement évêques, appuyés dans leur travail par plus de 500 théologiens érigés au rang d’experts (les periti) officiels ou officieux. Dans l’histoire du catholicisme, il fut la première expérience concrète de ce que l’on n’appelait pas encore la mondialisation.

Venus à Rome au nom d’une foi et d’une appartenance communes, les acteurs du concile découvrirent à l’épreuve des débats que leur foi ne se formulait ni ne se vivait forcément de la même manière selon la culture dont ils étaient issus ou qu’ils étaient censés représenter au titre du diocèse où s’exerçait leur autorité. Cette épreuve inattendue ruina l’espoir entretenu par les milieux conservateurs de la Curie romaine d’un concile court, qui aurait permis d’achever en quelques semaines l’entreprise antimoderne du premier concile du Vatican (1870), interrompue un siècle auparavant par la guerre franco-prussienne.

Ce que l’on a appelé l’aggiornamento conciliaire, c’est-à-dire la « mise à jour » du magistère à l


[1] Pour les quatre premiers conclaves : Denis Pelletier, « Naissance d’un catholicisme global (1965-2017) », in Alain Dieckhoff et Philippe Portier (dir.), L’enjeu mondial. Religion et politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2017, p. 23-34 ; on a repris pour 2025 les chiffres parus dans la presse.

Denis Pelletier

Historien, Directeur d'études à l'École pratique des hautes études

Notes

[1] Pour les quatre premiers conclaves : Denis Pelletier, « Naissance d’un catholicisme global (1965-2017) », in Alain Dieckhoff et Philippe Portier (dir.), L’enjeu mondial. Religion et politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2017, p. 23-34 ; on a repris pour 2025 les chiffres parus dans la presse.