La meute, un livre qui nous apprend autant sur le journalisme que sur LFI
Parmi les livres consacrés à la France Insoumise (LFI), La meute de Charlotte Belaïch et Olivier Pérou se distingue par son succès éditorial et sa visibilité médiatique. Présenté comme une « enquête » sur le fonctionnement interne du mouvement créé par Jean-Luc Mélenchon, l’ouvrage prétend « révéler » les violences symboliques, les dérives autoritaires et l’ambiance de courtisanerie qui régneraient dans les cercles dirigeants de LFI. Ce livre s’inscrit dans une longue tradition de récits journalistiques centrés sur les « coulisses » des partis et de la lutte pour le pouvoir.

Mais La meute est aussi un révélateur des limites structurelles du journalisme politique. En procédant à une analyse comparée avec une enquête sociologique que j’ai conduite entre 2018 et 2020 (Le populisme de gauche, La Découverte, 2021), je voudrais interroger ce que voit, ce qu’occulte et ce que fabrique ce type de production journalistique. À travers cette critique, il ne s’agit pas d’opposer les vertus de la science à la superficialité supposée du journalisme. Il s’agit de comprendre les conditions sociales de production de chaque régime de savoir, et les effets d’objectivation – ou de distorsion – qui en découlent.
La critique que je propose ici se déploiera en cinq temps. Je reviendrai d’abord sur la personnalisation de l’analyse, La meute réduisant trop souvent la dynamique d’un mouvement collectif à la psychologie d’un seul homme. Je montrerai ensuite comment le livre produit une vision caricaturale du militantisme. J’examinerai en troisième lieu le traitement différentiel dont LFI est l’objet, à travers l’illusion d’exceptionnalité que construisent les auteurs. Je consacrerai un quatrième moment à l’analyse des routines journalistiques et de leurs effets de vision, avant de conclure sur les différents régimes d’intelligibilité politique qui animent le journalisme et la sociologie.
La fascination-répulsion pour le leader
Le livre de Charlotte Belaïch et Olivier Pérou porte pou