International

Spéculations financières et mise en hypothèque de l’Amazonie

Sociologue

À l’approche de la COP30 qui se tiendra dans la ville amazonienne de Belém fin 2025, les contradictions du capitalisme brésilien apparaissent au grand jour. En témoigne, notamment, la trajectoire de croissance fulgurante du géant de l’abattage-transformation de viande, JBS. Son entrée en bourse à Wall Street prévue au début de l’été fait redouter une intensification des dynamiques de déforestation en Amazonie.

 

Réunis en assemblée générale le 23 mai dernier, les actionnaires de JBS ont adopté le projet de double cotation qui permettra à l’entreprise de voir ses actions échangées en temps réel sur les bourses de São Paulo et de New York.

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Pour l’occasion, le groupe a repensé son architecture juridique, en établissant son domicile fiscal aux Pays-Bas et en renforçant le contrôle de la famille Batista sur la gouvernance via une holding luxembourgeoise. L’arrivée de JBS sur le New York Stock Exchange (NYSE) inaugure donc une nouvelle séquence dans la projection de l’entreprise vers l’international… et elle marque, dans le même temps, un revers préoccupant pour la société civile.

Au cours de la dernière décennie, journalistes, experts d’ONG internationales et scientifiques n’ont eu de cesse de rappeler aux investisseurs que l’action JBS risquait de devenir un « actif échoué ». Si, dans le cadre d’une politique climatique ambitieuse, l’Amazonie était correctement protégée, la dynamique expansionniste de la filière bovine brésilienne serait de fait compromise – et le « futur » reflété dans la valeur des actions du groupe JBS n’adviendrait tout simplement pas. Or, c’est le contraire qui est en train de se passer.

Une croissance fulgurante, dopée par l’État fédéral

Lorsqu’il ouvrit son premier abattoir avec ses frères en 1953, José Batista Sobrinho ne s’attendait certainement pas à ce que les parts de sa société soient, un jour, cotées à Wall Street. Basé à l’époque à Anápolis, petite ville de l’État de Goias (Brésil), il n’abat alors qu’une ou deux bêtes par jour, et vend leurs carcasses au boucher local. La fondation, non loin de là, de la ville Brasilia (1960) lui apparaît comme une aubaine. Batista rachète un abattoir à proximité du premier en 1969, puis un second deux ans plus tard, et accroît rapidement ses parts de marché dans la région. Il forme sur le tas deux de ses fils, Joesley et Wesley ; ceux-ci prennent peu à peu les rênes de l’affaire familiale, et la propu


[1] Quelques articles de presse donnent un bon aperçu de la trajectoire historique : « JBS: the story behind the world’s biggest meat producer », Forbes, 21 avril 2011 ; « A saga da JBS », Valor Econômico, 7 juillet 2017.

[2] Fabian Muniesa, Paranoid finance, Londres : Polity, 2024.

[3] Formulário de Referência – 2024 – JBS S.A, p.25.

[4] Peter Sloterdijk, Le palais de cristal. À l’intérieur du capitalisme planétaire. Paris : Fayard, 2010, p.283.

Pierre-Louis Choquet

Sociologue, Chercheur associé au CSO, chargé de recherche à l'Institut de recherche pour le développement

Notes

[1] Quelques articles de presse donnent un bon aperçu de la trajectoire historique : « JBS: the story behind the world’s biggest meat producer », Forbes, 21 avril 2011 ; « A saga da JBS », Valor Econômico, 7 juillet 2017.

[2] Fabian Muniesa, Paranoid finance, Londres : Polity, 2024.

[3] Formulário de Referência – 2024 – JBS S.A, p.25.

[4] Peter Sloterdijk, Le palais de cristal. À l’intérieur du capitalisme planétaire. Paris : Fayard, 2010, p.283.