Analyse

Au milieu du bras de fer auquel se livrent Donald Trump et Xi Jinping sur les droits de douane et qui, quelle qu’en soit l’issue, débouchera sur une reconfiguration du commerce mondial, les commentaires n’ont pas manqué sur la position ambigüe d’Elon Musk, à la fois soutien et collaborateur du Président américain et investisseur sur le continent chinois.

Ce que l’on sait moins, c’est que le chef d’entreprise d’origine sud-africaine est aussi immensément populaire en Chine. Sur le réseau social Xiahongshu (RedNote), le hashtag Ailong Masike (埃隆·马斯克), son nom chinois, compte plus de 82 millions de visiteurs. Sur le site Douban, pas moins d’une trentaine d’ouvrages et quatre films qui lui sont consacrés sont disponibles à l’achat.

Cet intérêt pour Musk en Chine est au croisement de deux phénomènes : la fascination pour les hommes (et les femmes) qui ont fait fortune d’une part, et la croyance aux vertus de la science et de la technologie d’autre part. Dans les deux cas, l’État chinois joue un rôle majeur. D’ailleurs la page Baidu (l’équivalent de Wikipedia) résume la trajectoire de Musk sous quatre entrées qui sont les qualités exigées par le Parti communiste des plus riches citoyens de la République populaire : à la fois entrepreneur, ingénieur, inventeur et philanthrope.

L’héroïsation des entrepreneurs

Dans la Chine des réformes, la figure de l’entrepreneur incarne les principales valeurs désormais promues par le régime. La dépendance et la supervision de l’État caractéristiques du socialisme ont cédé la place à une culture de l’entrepreneur autonome créateur de richesses, un discours qui ne promeut pas l’action politique collective mais les calculs économiques individuels. Cela fait trois décennies que les citoyens chinois sont encouragés à puiser dans leurs propres ressources pour être compétitifs sur le marché, à se comporter avec audace et vigueur, à calculer et à prendre des risques pour défendre leur propre avantage. En ce sens, les entrepreneurs sont