Analyse

À l’heure actuelle, nous sommes impliqués dans un vaste processus de planification politique. Les réponses publiques à la crise sanitaire mondiale reposent sur cette forme d’intervention, et les débats approchent de façon directe les idées d’avenir propres aux pays, continents, et au monde en général[1].

Le « cygne noir[2]» de la crise pandémique a confronté les États à la nécessité de répondre au blocage économique et à l’effondrement du système de santé en reprenant des instruments qui semblaient avoir été mis de côté, tels que les plans, les subventions et les interventions économiques et sociales directes. Le Recovery Plan européen, l’American Rescue Plan étasunien, le Global Humanitarian Response Plan des Nations Unies et les politiques de planification présentées par de nombreux pays dans le monde – du Royaume-Uni à la Chine – nous montrent que la planification est encore une stratégie considérée valable pour contrôler la stabilité politique et sociale dans les périodes de grands changements.

En fait, les économies néolibérales ont été construites sur le concept de « planification indicative » qui dominait le discours économique européen – et notamment français – de l’Après-guerre[3], et portait sur une conception selon laquelle le cadre du marché est construit par l’appareil politique pour orienter les individus vers des choix considérés « souhaitables » et « uniformiser » les actions de chacun vers des objectifs communs[4].

Le Maroc, aujourd’hui, est bonne illustration pour comprendre comment la planification continue à être un instrument de gouvernement central dans toutes les économies néolibérales. Pendant ma thèse, j’ai eu l’occasion de suivre comment des politiques de planification néolibérales prennent forme concrètement et sont construites au quotidien. J’ai analysé l’économie politique de la filière des céréales au Maroc à travers une recherche de terrain entre 2018 et 2022, structurée sur de l’observation ethnographique, des entretiens lib