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Au Kenya, colère générationnelle et tensions sociales au long cours

Politiste

Ce 25 juin 2025, les manifestations organisées dans la plupart des villes du Kenya ont fait au moins 16 morts et plusieurs centaines de blessés. Ces protestations sont surtout le fait de la jeunesse. Elles sont l’occasion de revenir sur un certain nombre de tensions sociales et politiques qui travaillent ce pays, et dont certaines sont en vérité communes à d’autres sociétés endettées, sur le continent et au-delà.

Les victimes du 25 juin dernier s’ajoutent au bilan déjà très lourd d’un cycle de protestations lancé il y a un an à l’occasion d’un projet de loi de finances qui augmentait les impôts sur les biens de première nécessité.

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Elles ont été qualifiées au Kenya de manifestations de la « génération Z », qui désigne les personnes nées dans les années 2000. Bien que le projet de loi ait été depuis abandonné, les mobilisations se poursuivent, nourries par des causes structurelles profondes.

Un régime contraint par la dette

Les manifestations du 25 juin 2025 s’inscrivent en effet dans plusieurs temporalités politiques. La première tient à la crise financière que traverse le pays. Elle est déterminée par une dynamique d’endettement de long terme, qui atteint aujourd’hui un point critique. Sous la présidence d’Uhuru Kenyatta (2013-2022), cette dynamique s’est accélérée et le pays a beaucoup emprunté, notamment dans le cadre d’une politique de développement des infrastructures. La construction du chemin de fer à voie normale (Standard Gauge Railways – SGR) a par exemple été financée par un prêt de la banque publique chinoise d’exportation et d’importation (Exim), pour plus de cinq milliards de dollars. À partir de 2021, le Kenya a également contracté une série de prêts auprès du Fonds Monétaire International. En hausse exponentielle depuis une quinzaine d’années, la dette du pays représente aujourd’hui près de 70% du PIB. Ces prêts ont été conditionnés à des réformes dont le régime Ruto est aujourd’hui l’opérateur.

En tant qu’ancien vice-président d’Uhuru Kenyatta, le président William Ruto hérite aujourd’hui d’une situation financière qu’il a contribué à créer, aggravée par la pandémie de Covid-19 et l’effondrement des revenus du tourisme. Par ailleurs, les nouvelles infrastructures n’ont pas engendré autant de croissance qu’espéré. Le projet de loi de Finances établi en mai 2024 s’inscrit dans ce contexte : pour rembourser la dette, il proposait de taxer ou d’augmente


Dominique Connan

Politiste, Professeur de science politique à l’université Paris Nanterre, chercheur au sein de l’ISP