Écologie

Cuba durant la « période spéciale », bifurcation socio-écologique ?

Économiste

À quoi pourraient ressembler des sociétés radicalement moins consommatrices et socialement désirables ? Pendant la « période spéciale », dans les années 1990, Cuba combine une nette réduction de l’utilisation de ressources et une progression de certains indicateurs sociaux. Un tel cas peut inspirer le dessin de contours différents des horizons actuels de « transition » préservant les règles du jeu économiques.

Nos systèmes productifs minent, abattent, forent, détruisent, rejettent, déversent des quantités gigantesques de matière et d’énergie pour entretenir une course en avant de plus en plus éloignée du caractère satisfaisant des conditions de vie.

publicité

Les origines socio-économiques de cette pression matérielle insoutenable commencent à être bien établies. Ce ne sont pas n’importe quelles sociétés ni « l’humanité » qui ont ravagé les territoires et la biodiversité, pollué les sols et l’air, et qui maintenant provoquent une dérive climatique d’une rapidité inédite[1]. Ce que l’on observe, ce sont des dynamiques d’appropriation et d’exploitation de la nature (et de l’humain) à l’œuvre depuis les origines des capitalismes et indissociables de leur expansion[2]. La voie officiellement proposée de « verdir » des productions et des usages inchangés, au seul prisme des émissions de CO2 et du climat, peine à susciter l’entrain populaire.

Mais si l’on comprend les structures sociales du problème, celles des solutions sont encore largement sujettes à spéculation. À quoi ressembleraient des sociétés désirables en équilibre avec leur environnement ? Quelles structures sociales permettraient de diminuer l’assise énergétique et matérielle tout en garantissant des conditions de vie satisfaisantes ?

Des éléments de réponse à ce problème peuvent se trouver dans des expériences passées. On peut s’aider en regardant les transformations de sociétés qui ont réduit rapidement et fortement les flux d’énergie et de matière qui irriguent leur système de production tout en affichant une amélioration des conditions de vie. Bien sûr, dit ainsi, la situation paraît évidente : si de tels exemples parfaits étaient connus, le problème serait déjà réglé. De fait, ils n’existent pas encore. Mais on peut trouver des cas qui s’en approchent, qui présentent certains aspects et qui permettent d’observer des dynamiques imparfaites mais réelles.

Cuba nous offre un tel cas d’étude. Durant les années 1990,


[1] Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, L’Événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Points, 2016.

[2] Jason W. Moore, Le Capitalisme dans la toile de la vie. Écologie et accumulation du capital, traduit de l’anglais par Robert Ferro, L’Asymétrie, 2020.

[3] Lydia Larifla, L’Expérience cubaine de développement (1959-1993). Système socialiste et régime rentier-assisté, thèse de doctorat, sous la direction de Bernard Chavance, université Paris VII Paris-Diderot, soutenue en 1995.

[4] Julia Wright, Sustainable Agriculture and Food Security in an Era of Oil Scarcity. Lessons from Cuba, Routledge, 2009.

[5] Ibid.

[6] Les ménages et les services sont aussi concernés par de larges programmes de réduction de consommation dans un second temps.

[7] Julia Wright, Sustainable Agriculture and Food Security in an Era of Oil Scarcity, op. cit.

[8] Susan E. Eckstein, Back from the Future. Cuba under Castro, Routledge, 2004.

[9] Lydia Larifla, L’Expérience cubaine de développement, thèse de doctorat citée.

[10] Philip Brenner, Marguerite R. Jiménez, John M. Kirk et William M. LeoGrande, A Contemporary Cuba Reader. The Revolution under Raúl Castro, Rowman & Littlefield Publishers, 2014.

[11] Janette Habel, « Cuba. Les défis du nouveau “modèle” », Revue Tiers Monde, n° 173, 2003, p. 127-148.

[12] Judie Cukier, Angel L. Galán, Erin Nelson et Steffanie Scott, « Institutionalizing Agroecology: Successes and Challenges in Cuba », Agriculture and Human Values, vol. 26, 2008/3, p. 233-243.

[13] Par exemple Cédric Durand et Razmig Keucheyan, Comment bifurquer. Les Principes de la planification écologique, Zones, 2024.

Albert Bouffange

Économiste, Doctorant à SciencesPo Lyon et au centre Inria de l’université Grenoble-Alpes

Notes

[1] Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, L’Événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Points, 2016.

[2] Jason W. Moore, Le Capitalisme dans la toile de la vie. Écologie et accumulation du capital, traduit de l’anglais par Robert Ferro, L’Asymétrie, 2020.

[3] Lydia Larifla, L’Expérience cubaine de développement (1959-1993). Système socialiste et régime rentier-assisté, thèse de doctorat, sous la direction de Bernard Chavance, université Paris VII Paris-Diderot, soutenue en 1995.

[4] Julia Wright, Sustainable Agriculture and Food Security in an Era of Oil Scarcity. Lessons from Cuba, Routledge, 2009.

[5] Ibid.

[6] Les ménages et les services sont aussi concernés par de larges programmes de réduction de consommation dans un second temps.

[7] Julia Wright, Sustainable Agriculture and Food Security in an Era of Oil Scarcity, op. cit.

[8] Susan E. Eckstein, Back from the Future. Cuba under Castro, Routledge, 2004.

[9] Lydia Larifla, L’Expérience cubaine de développement, thèse de doctorat citée.

[10] Philip Brenner, Marguerite R. Jiménez, John M. Kirk et William M. LeoGrande, A Contemporary Cuba Reader. The Revolution under Raúl Castro, Rowman & Littlefield Publishers, 2014.

[11] Janette Habel, « Cuba. Les défis du nouveau “modèle” », Revue Tiers Monde, n° 173, 2003, p. 127-148.

[12] Judie Cukier, Angel L. Galán, Erin Nelson et Steffanie Scott, « Institutionalizing Agroecology: Successes and Challenges in Cuba », Agriculture and Human Values, vol. 26, 2008/3, p. 233-243.

[13] Par exemple Cédric Durand et Razmig Keucheyan, Comment bifurquer. Les Principes de la planification écologique, Zones, 2024.