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La Grande-Bretagne et la France en Afrique : une entente fort minable ou formidable ?

Politiste

La rivalité a marqué les relations franco-britanniques en Afrique pendant la période coloniale et les premières décennies postcoloniales. Un effort de collaboration plus étroite a été lancé lors du sommet de Saint-Malo en 1998. Toutefois, toute avancée sur ce front a été anéantie par le Brexit. La réélection de Donald Trump et son renversement du système multilatéral fondé sur des règles inciteront-ils à nouveau la Grande-Bretagne et la France à collaborer face aux défis de l’Afrique ?

Lors du sommet franco-britannique de 2023, le Royaume-Uni et la France se sont engagés à « intensifier leurs efforts conjoints » et à « renforcer leur coopération » en Afrique, notamment au Sahel, dans la Corne et dans la région des Grands Lacs. Cette volonté de coopération contraste fortement avec les récentes querelles autour du Brexit et la rivalité franco-britannique, bien plus ancienne, sur le continent africain[1]. Cet article s’interroge sur la manière dont la Grande-Bretagne et la France ont réussi, depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours, à surmonter leurs différences et à travailler ensemble en Afrique. 

Histoire de la rivalité

L’origine de la rivalité franco-britannique en Afrique est souvent attribuée à l’incident de Fachoda de 1898, lorsque la France fut contrainte de battre en retraite de manière humiliante et de céder à la Grande-Bretagne ses revendications territoriales sur le Soudan. L’entente cordiale de 1904 n’apaisa que partiellement le ressentiment entre les deux pays, le « syndrome de Fachoda » (la paranoïa de la France face à la pénétration anglophone en Afrique francophone) persistant.

Cet esprit de non-coopération perdura jusqu’aux premières décennies postcoloniales, la Grande-Bretagne et la France poursuivant leurs propres approches étroites de realpolitik. À titre d’exemple, plutôt que de collaborer pour réduire la pauvreté en Afrique, ces anciennes puissances coloniales lièrent des volumes importants d’aide étrangère à l’achat de leurs propres produits et services. Elles promurent également des modèles idéologiques de développement économique différents : le Royaume-Uni soutenait des réformes néolibérales impulsées par la Banque mondiale, tandis que la France s’opposait au soi-disant « consensus de Washington[2] ». De même, ils léguèrent à leurs anciennes colonies respectives des systèmes politiques différents, puis fermèrent les yeux lorsque ces dernières devinrent des États à parti unique. Sur le plan sécuritaire, le Royaume-Uni et


[1] Cet article a été rédigé grâce à une résidence FIAS à l’Institut d’études avancées de Paris. Il a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne dans le cadre de la convention de subvention Marie Skłodowska-Curie n° 945408, ainsi que de l’Etat français dans le cadre du programme « Investissements d’avenir » géré par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR-11-LABX-0027-01 Labex RFIEA+).

[2] Ce consensus en faveur des réformes néolibérales s’est établi dans les années 1980 entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

[3] David Styan, “Does Britain have an Africa policy?” in Afrique Politique, Centre d’études d’Afrique noire, Karthala, Paris, 1996, pp. 261-286.

[4] La discussion autour de Saint-Malo s’inspire du travail précédent de l’auteur : voir G.D. Cumming et T. Chafer, “From Rivalry to Partnership?” Review of International Studies vol. 37, no. 5, 2011 : pp. 2439–2463.

[5] Le P3 (Royaume-Uni, France et États-Unis) sont les membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité de l’ONU.

[6] Terme inventé par le Premier ministre britannique Gordon Brown lors du sommet anglo-français de 2008 ; voir « GB : Une entente formidable », Le Journal du Dimanche, 27 mars 2008.

[7] Philip Loft, Waiving intellectual property rights, House of Commons Library, 13 juillet 2022. La France s’est opposée à la levée de ces droits jusqu’à ce que le président américain Joe Biden soutienne une dérogation partielle ; voir S. Brown et Morgane Rosier, “Canada and France compared”, in Covid-19 vaccines and global health diplomacy, V. JakupecM. KellyM. de Percy (eds), Routledge, London, 2022), p. 235.

[8] Le Royaume-Uni a financé des évaluations du potentiel de fabrication de vaccins au Ghana, mais manquait les fonds pour en faire davantage (Foreign, Commonwealth et Development Office, entretien avec l’auteur, octobre 2024).

[9] AFD, entretien avec l’auteur, février 2025.

[10] Stephen Brown et Rosier, p. 234.

[11] Sur

Gordon Cumming

Politiste, Professeur d'études territoriales à l'Université de Cardiff

Notes

[1] Cet article a été rédigé grâce à une résidence FIAS à l’Institut d’études avancées de Paris. Il a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne dans le cadre de la convention de subvention Marie Skłodowska-Curie n° 945408, ainsi que de l’Etat français dans le cadre du programme « Investissements d’avenir » géré par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR-11-LABX-0027-01 Labex RFIEA+).

[2] Ce consensus en faveur des réformes néolibérales s’est établi dans les années 1980 entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

[3] David Styan, “Does Britain have an Africa policy?” in Afrique Politique, Centre d’études d’Afrique noire, Karthala, Paris, 1996, pp. 261-286.

[4] La discussion autour de Saint-Malo s’inspire du travail précédent de l’auteur : voir G.D. Cumming et T. Chafer, “From Rivalry to Partnership?” Review of International Studies vol. 37, no. 5, 2011 : pp. 2439–2463.

[5] Le P3 (Royaume-Uni, France et États-Unis) sont les membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité de l’ONU.

[6] Terme inventé par le Premier ministre britannique Gordon Brown lors du sommet anglo-français de 2008 ; voir « GB : Une entente formidable », Le Journal du Dimanche, 27 mars 2008.

[7] Philip Loft, Waiving intellectual property rights, House of Commons Library, 13 juillet 2022. La France s’est opposée à la levée de ces droits jusqu’à ce que le président américain Joe Biden soutienne une dérogation partielle ; voir S. Brown et Morgane Rosier, “Canada and France compared”, in Covid-19 vaccines and global health diplomacy, V. JakupecM. KellyM. de Percy (eds), Routledge, London, 2022), p. 235.

[8] Le Royaume-Uni a financé des évaluations du potentiel de fabrication de vaccins au Ghana, mais manquait les fonds pour en faire davantage (Foreign, Commonwealth et Development Office, entretien avec l’auteur, octobre 2024).

[9] AFD, entretien avec l’auteur, février 2025.

[10] Stephen Brown et Rosier, p. 234.

[11] Sur