Société

Face au risque suicidaire, la triple peine des jeunesses minorisées

Démographe, Sociologue

Deuxième cause de mortalité chez les jeunes, le suicide révèle des mécanismes complexes d’oppression sociale qui exposent inégalement les jeunesses aux risques et aux soutiens disponibles. À partir de deux recherches en démographie et en sociologie, cette contribution interroge la manière dont les adolescent·es et jeunes adultes confronté·es aux mécanismes d’occultation des violences subies, aux barrières d’accès aux soins et à l’inadéquation des dispositifs thérapeutiques se trouvent privé·es des ressources de protection nécessaires face au risque suicidaire.

Si la prévalence d’une santé mentale dégradée parmi les jeunes a fait l’objet d’une importante médiatisation durant la pandémie, elle procède de phénomènes sociaux plus complexes et entrecroisés. La crise sanitaire a davantage joué un rôle d’accentuation de tendances préexistantes que de source véritable du mal-être, révélant l’urgence d’une analyse sociologique des mécanismes qui transforment certaines vulnérabilités juvéniles en trajectoires auto-destructrices.

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Étudier ces dynamiques nécessite une attention particulière aux jeunesses les plus minorisées dans les rapports sociaux de domination : minorisations qui s’articulent autour des rapports sociaux de sexe, de classe et de race, mais aussi autour d’expériences spécifiques, à l’instar de celles des mineur·es confié·es à des institutions de protection de l’enfance auprès desquel·les Myriem Auger a enquêté. Ces « conditions minoritaires » exposent ces jeunesses à une triple peine qui se manifeste par l’occultation fréquente des violences qu’elles ont subies, la confrontation à de multiples barrières d’accès aux soins, et l’inadéquation entre les modalités de soins proposées – qui présupposent l’expression de soi et l’engagement thérapeutique – et les dispositions de ces jeunes, ce que met en lumière la recherche d’Hadrien Guichard.

En mettant en regard nos deux terrains de recherche, nous questionnons ces dimensions de la santé d’un point de vue critique pour révéler comment les inégalités d’accès aux soins, les mécanismes de socialisation qui façonnent le (non) recours aux soins, ainsi que les violences multiples qui marquent les biographies juvéniles, convergent pour créer des situations d’isolement et de vulnérabilité extrêmes chez les jeunes les plus dominé·es socialement.

L’exposition aux violences : quand l’occultation nourrit le risque suicidaire

L’analyse sociologique des conduites suicidaires chez les jeunes révèle la centralité des violences subies dans leurs trajectoires biographiques, mais s


[1] À ce sujet voir notamment : Garrec, I. (2024). Trouble dans les émotions : Enquête sur l’existence sociale du « trouble de la personnalité borderline » en France [These de doctorat, Paris 13] et Lancelevée, C., & Vozari, A.-S. (2023). Le genre de la dépression : Perspectives de recherches sociologiques. Rhizome, 85(2), 11‑12.

Hadrien Guichard

Démographe, Doctorant en démographie au CRIDUP, à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Myriem Auger

Sociologue, Docteure en sociologie au CRESPPA GTM UMR7217

Notes

[1] À ce sujet voir notamment : Garrec, I. (2024). Trouble dans les émotions : Enquête sur l’existence sociale du « trouble de la personnalité borderline » en France [These de doctorat, Paris 13] et Lancelevée, C., & Vozari, A.-S. (2023). Le genre de la dépression : Perspectives de recherches sociologiques. Rhizome, 85(2), 11‑12.