International

Au-delà du mainstreaming : du racisme numérique au mouvement nationaliste blanc

Juriste et américaniste, Américaniste

Le rapport de force commercial établi par Donald Trump au plan international, et la politique d’expulsion massive des sans-papiers ont ceci de commun qu’ils envisagent l’Amérique, blanche, comme un groupe spécifique dont les intérêts sont prioritaires. Le discours nationaliste blanc avance désormais à découvert, et ses réseaux s’activent à orienter le second mandat de Trump vers le rejet explicite de la démocratie.

Au lendemain du 6 janvier 2021, les États-Unis se sont regardés dans le miroir brisé du Capitole. Médias et responsables politiques ont rapidement désigné le suprémacisme blanc comme la clé de lecture de l’assaut. Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, a résumé d’une synthèse brutale : « Il y a des gens dans notre pays… qui ont choisi leur blanchité plutôt que la démocratie[1] ».

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Quatre ans plus tard, alors que Donald Trump s’installe à nouveau à la Maison Blanche, le regard porté sur les menaces pesant sur la démocratie s’est déplacé. La focale s’oriente désormais vers une élite technocratique issue de la Silicon Valley, dont l’influence déborde les champs économiques pour s’imposer dans les domaines militaires et stratégiques. À cela s’ajoute l’inquiétude croissante suscitée par une intelligence artificielle toujours plus autonome, échappant à tout contre-pouvoir effectif[2].

Cette tendance trouve un écho dans la recomposition même de la carte électorale, qui enregistre des glissements significatifs. D’après une enquête post-électorale menée en 2024 par le Pew Research Center, Trump n’a été distancé chez les électeurs latino que de trois points par Kamala Harris, tandis que sa popularité auprès des hommes afro-américains a presque doublé depuis 2020, passant de 12% à 21%[3]. Ce nouveau paysage semble, à lui seul, fragiliser la portée explicative du « nationalisme blanc ».

Parallèlement, cette impression d’effacement coïncide avec une fragmentation de la coalition qui s’était agrégée autour de Trump entre 2016 et 2020. Une partie des militants continue de percevoir l’homme et sa rhétorique comme le levier le plus efficace d’un agenda identitaire ; d’autres, ulcérés par son soutien affiché envers Israël, appellent au désengagement du Parti républicain, voire à un soutien tactique aux Démocrates, dans une perspective empruntant à « l’accélérationisme » — afin de forcer une adaptation rapide en précipitant des dynamiques jugées inévitables


[1] Pour une citation en contexte, lire par exemple Steve Phillips, « How Whiteness Poses the Greatest Threat to US Democracy », Opinion, The Guardian, 4 octobre 2022,.

[2] Marietje Schaake, The Tech Coup: How to Save Democracy from Silicon Valley (Princeton University Press, 2024) ; voir notamment Valentine Faure, « Comment la droite tech américaine a pris le pouvoir », Le Monde, 15 novembre 2024.

[3] Hannah Hartig Green, Scott Keeter, Andrew Daniller and Ted Van, « 2. Voting Patterns in the 2024 Election », Pew Research Center, 26 juin 2025.

[4] Tiffany Hsu, « Why Debunked Falsehoods About Haitian Migrants Gained Traction », The New York Times, 24 septembre 2024.

[5] Leonard Zeskind, Blood and Politics: The History of the White Nationalist Movement from the Margins to the Mainstream (Farrar Straus & Giroux, 2009).

[6] Nils Holtug, « White Supremacism, White Identity Politics, and Nationalism », in Identity Politics: Left and Right, éd. par Nils Holtug (Oxford University Press, 2025).

[7] Isabela Dias, « The Worrying Backstory of Trump’s Proposed “Office of Remigration” », Politics, Mother Jones, 30 mai 2025.

[8] In Trump’ Second Term, « Far-Right Agenda Enters the Mainstream », New. York Times, 23 août 2025.

[9] Carol M. Swain, The New White Nationalism in America: Its Challenge to Integration (Cambridge University Press, 2004).

[10] Cas Mudde, The Far Right Today (Polity, 2019).

[11] René Pfister, « Trump’s Trump Card: The Dangerous Ideology of U.S. Vice President JD Vance », International, Der Spiegel, 2 mai 2025,

[12] Russell Nieli, « Jared Taylor and White Identity », in Key Thinkers of the Radical Right: Behind the New Threat to Liberal Democracy, éd. par Mark Sedgwick (Oxford University Press, 2019).

[13] Alexandra Minna Stern, Eugenic Nation: Faults and Frontiers of Better Breeding in Modern America (University of California Press, 2016).

[14] Divina Frau-Meigs, Penser la société de l’écran. Dispositifs et usages (Sorbonne PSN, 2011).

Anne Deysine

Juriste et américaniste, Professeure émérite à l'Université Paris-Nanterre

Sarah Rodriguez-Louette

Américaniste, Agrégée d’anglais et docteure en études américaines

Notes

[1] Pour une citation en contexte, lire par exemple Steve Phillips, « How Whiteness Poses the Greatest Threat to US Democracy », Opinion, The Guardian, 4 octobre 2022,.

[2] Marietje Schaake, The Tech Coup: How to Save Democracy from Silicon Valley (Princeton University Press, 2024) ; voir notamment Valentine Faure, « Comment la droite tech américaine a pris le pouvoir », Le Monde, 15 novembre 2024.

[3] Hannah Hartig Green, Scott Keeter, Andrew Daniller and Ted Van, « 2. Voting Patterns in the 2024 Election », Pew Research Center, 26 juin 2025.

[4] Tiffany Hsu, « Why Debunked Falsehoods About Haitian Migrants Gained Traction », The New York Times, 24 septembre 2024.

[5] Leonard Zeskind, Blood and Politics: The History of the White Nationalist Movement from the Margins to the Mainstream (Farrar Straus & Giroux, 2009).

[6] Nils Holtug, « White Supremacism, White Identity Politics, and Nationalism », in Identity Politics: Left and Right, éd. par Nils Holtug (Oxford University Press, 2025).

[7] Isabela Dias, « The Worrying Backstory of Trump’s Proposed “Office of Remigration” », Politics, Mother Jones, 30 mai 2025.

[8] In Trump’ Second Term, « Far-Right Agenda Enters the Mainstream », New. York Times, 23 août 2025.

[9] Carol M. Swain, The New White Nationalism in America: Its Challenge to Integration (Cambridge University Press, 2004).

[10] Cas Mudde, The Far Right Today (Polity, 2019).

[11] René Pfister, « Trump’s Trump Card: The Dangerous Ideology of U.S. Vice President JD Vance », International, Der Spiegel, 2 mai 2025,

[12] Russell Nieli, « Jared Taylor and White Identity », in Key Thinkers of the Radical Right: Behind the New Threat to Liberal Democracy, éd. par Mark Sedgwick (Oxford University Press, 2019).

[13] Alexandra Minna Stern, Eugenic Nation: Faults and Frontiers of Better Breeding in Modern America (University of California Press, 2016).

[14] Divina Frau-Meigs, Penser la société de l’écran. Dispositifs et usages (Sorbonne PSN, 2011).