économie

Quand les fonds immobiliers tirent profit de la crise des bureaux

Sociologue

Adoptée en juin, la loi Daubié a instauré le concept de « réversibilité » – soit la capacité des bâtiments à changer facilement d’usage, notamment du bureau à l’habitat. Sous des apparences de politique vertueuse se cache une rhétorique de greenwashing, et l’absence de volonté politique vis-à-vis du cœur du problème : la financiarisation de l’immobilier.

Ces derniers mois, des pancartes « Bureaux à louer » se multiplient sur les façades des immeubles de bureaux des grandes métropoles françaises. En 2025, ce sont 9 millions de mètres carrés de bureaux qui sont inoccupés en France, dont les deux tiers en Île-de-France – un chiffre record, alors que le nombre de mal-logés atteint lui aussi des sommets : 4,2 millions de personnes. Face à ce déséquilibre manifeste, un consensus émerge ces derniers mois entre professionnels de l’immobilier et autorités publiques : transformer ces bureaux vides en logements.

publicité

La loi portée par le député du groupe Les Démocrates Romain Daubié, promulguée le 18 juin dernier, va dans ce sens, en facilitant ces transformations, et en pérennisant le « permis de construire réversible », qui permet de changer l’usage d’un immeuble (bureaux, logement, etc.) sans nécessité d’engager une nouvelle procédure de permis de construire. Pour autant, ces politiques a priori vertueuses viennent surtout soutenir l’ouverture d’un nouveau cycle d’accumulation du capital pour les fonds d’investissement immobiliers propriétaires de ces bureaux vides, au détriment de la majorité des habitant·es.

Plutôt des bureaux vides que du logement abordable : chronique d’une crise annoncée

Souvent rattachés à l’avènement du télétravail post-covid, ces bureaux vides ne sont pas une nouveauté. En 2019, alors que déjà trois millions de mètres carrés de bureaux étaient vides en Île-de-France et que la demande de bureaux était en baisse, on construisait le chiffre record de 2,5 millions de mètres carrés supplémentaires. En 2023, après la pandémie, sur les deux millions de mètres carrés de bureaux neufs mis en chantier, seulement 25 % d’entre eux avaient trouvé des entreprises locataires[1]. Cette surproduction de bureaux, loin d’être le fruit d’un « mauvais calcul » d’investisseurs mal informés, est au cœur du fonctionnement de ce marché.

Depuis les années 1990, les bureaux ne sont plus seulement des lieux de travail mai


[1] Deloitte, « Grand Paris Office Crane Survey », summer 2023.

[2] Le montant des droits de mutation passe de 18,2 % à 4,8 % de la valeur du bien.

[3] Ce statut de « transparence fiscale » est obtenu en contrepartie d’une distribution par la SIIC de la majorité des bénéfices aux actionnaires.

[4] L’impôt sur les plus-values de cession d’actif est divisé par deux, en passant de 33,3 % à 16,5 %.

[5] C’est un type de colocation fondé sur l’offre de services « hauts de gamme » (ménage, parking surveillé, cours de sport, etc.), alliant espaces privés (chambres, salles de bain) et espaces partagés (salon, terrasse, espaces de travail, etc.). Il est associé à des baux plus flexibles que les logements traditionnels : la durée du séjour en coliving est comprise entre 1 mois et 1 an. La courte durée des contrats d’hébergement permet de réajuster plus facilement à la hausse les loyers.

[6] Cette dérogation est toutefois limitée aux zones non carencées en logements sociaux.

[7] Catella, « Zoom sur la transformation d’actifs tertiaires en Île-de-France », Market summary, juillet 2023.

[8] Cette mesure fiscale, proposée par le texte du député Romain Daubié, avait déjà été adoptée dans la loi de finances pour 2025.

[9] Damian Carrington, « Converted offices pose ‘deadly risk’ in heatwaves, experts warn», The Guardian, 1st August 2021.

[10] Gaël Thomas et François Perrigault, « La transformation et la réversibilité au secours de la valorisation des actifs », Business Immo, 29 novembre 2016

[11] Anne Bauer, « Sans-abri : Jacques Chirac veut réquisitionner les logements vides », Les Échos, 20 décembre 1994

Marine Duros

Sociologue, Chercheuse en sociologie et professeure agrégée de sciences économiques et sociales

Notes

[1] Deloitte, « Grand Paris Office Crane Survey », summer 2023.

[2] Le montant des droits de mutation passe de 18,2 % à 4,8 % de la valeur du bien.

[3] Ce statut de « transparence fiscale » est obtenu en contrepartie d’une distribution par la SIIC de la majorité des bénéfices aux actionnaires.

[4] L’impôt sur les plus-values de cession d’actif est divisé par deux, en passant de 33,3 % à 16,5 %.

[5] C’est un type de colocation fondé sur l’offre de services « hauts de gamme » (ménage, parking surveillé, cours de sport, etc.), alliant espaces privés (chambres, salles de bain) et espaces partagés (salon, terrasse, espaces de travail, etc.). Il est associé à des baux plus flexibles que les logements traditionnels : la durée du séjour en coliving est comprise entre 1 mois et 1 an. La courte durée des contrats d’hébergement permet de réajuster plus facilement à la hausse les loyers.

[6] Cette dérogation est toutefois limitée aux zones non carencées en logements sociaux.

[7] Catella, « Zoom sur la transformation d’actifs tertiaires en Île-de-France », Market summary, juillet 2023.

[8] Cette mesure fiscale, proposée par le texte du député Romain Daubié, avait déjà été adoptée dans la loi de finances pour 2025.

[9] Damian Carrington, « Converted offices pose ‘deadly risk’ in heatwaves, experts warn», The Guardian, 1st August 2021.

[10] Gaël Thomas et François Perrigault, « La transformation et la réversibilité au secours de la valorisation des actifs », Business Immo, 29 novembre 2016

[11] Anne Bauer, « Sans-abri : Jacques Chirac veut réquisitionner les logements vides », Les Échos, 20 décembre 1994