Le handicap soumis à condition d’emploi
Le nombre de personnes handicapées inscrites à France Travail n’a jamais été aussi élevé. L’augmentation soudaine de chômeur·euses handicapé·es, qui apparaît comme effet attendu d’évolutions législatives et institutionnelles récentes, prend également ses racines dans des transformations plus profondes de l’État social. On observe un changement des modalités par lesquelles est déterminé qui travaille et qui a le droit de ne pas travailler.

La politique d’emploi des personnes handicapées s’est historiquement organisée autour d’une catégorie protégée, dont le droit au non-travail est l’élément le plus structurant. Cette protection n’équivaut pas à une inactivité complète, mais comprend un système de travail protégé délégué aux associations par l’État. L’autre versant de la politique consiste à favoriser l’insertion des personnes handicapées sur le marché du travail ordinaire notamment via le système des quotas d’emploi.
Depuis une dizaine d’années, des logiques concomitantes liées à l’activation[1] des bénéficiaires de la protection sociale et aux principes d’inclusion des personnes handicapées viennent remettre en question cette structuration historique. On assiste aujourd’hui à un durcissement de l’octroi d’aides sociales sans contrepartie de travail et à la remise en cause de l’orientation systématique des personnes handicapées en ESAT (Établissements et service d’aide par le travail). La loi 2023 pour le Plein emploi accélère le processus d’intégration des personnes handicapées dans le droit commun et consacre le service public de l’emploi comme acteur central des politiques du handicap. Ce mouvement d’élargissement de la norme d’emploi à des personnes jusqu’alors exclues du marché du travail rend poreuse la délimitation entre populations employables et non employables.
Pour faire face à cette pression croissante, France Travail s’est réorganisée sous la forme d’un « guichet unique » pour les chômeur·euses handicapé·es. L’organisation a développé de nouve
