La colonisation néolibérale du droit par la langue (2/3)
Il est caractéristique de notre époque que le droit définit, dit et décide le monde avec les mêmes mots que les opérateurs économiques, les associations humanitaires ou encore les artistes, selon un langage traversant, qui parlerait à tous, et qui présente la particularité, soit de provoquer instantanément l’adhésion morale, soit de se référer à l’idée de nécessité, deux registres auxquels rien ne paraît pouvoir être opposé de manière légitime.

Les usages de ces mots ont pour effet d’écarter toute discussion sur ce qui est réellement voulu, sur les modalités qui sont organisées sous le couvert de ces mots, et enfin sur les effets du dispositif mis en place. Parmi les mots qui provoquent l’adhésion instantanée, qui pourraient relever du « sacré montré », on trouve aujourd’hui la transparence, la bienveillance, ou encore la confiance, pour ne pas parler de la vérité ou de la démocratie.
Le vocabulaire du droit, voie d’infiltration de la philosophie néolibérale
Le terme de « confiance » est sans doute celui qui a fait le plus florès dans l’espace social de ces trente dernières années. On le retrouve partout : dans les publicités commerciales, souvent de très grands groupes économiques (une grande enseigne française d’électro-ménager a capitalisé de la renommée sur l’idée d’un « contrat de confiance », nom qu’elle avait donné à l’ensemble des clauses auxquelles elle était simplement tenue par la loi), dans les pratiques de développement personnel (avoir « confiance » en soi), dans les baromètres de popularité politique (les électeurs sont invités à dire s’ils ont ou non confiance dans leurs élus ou dans leurs institutions), et, plus généralement, toute activité est censée aujourd’hui s’inscrire dans une idéologie de la confiance.
Le droit a participé de ce mouvement, en capitalisant lui aussi sur ce registre sémantique. Depuis quelques décennies, on peut en effet constater une pénétration exponentielle du registre de la confiance dans la sphère publique, visib