Le sens du travail dans une ferme rurale en multi-productions
Souvent, les travaux sur le sens du travail s’interrogent sur sa perte. Depuis deux décennies, des signes d’une « crise du sens du travail[1] » émergent chez de nombreux salariés, dont témoignent la multiplication des burn-out, les récits de souffrance au travail ou les cas de jeunes ingénieurs « déserteurs » pourtant promis à des carrières salariales favorables. Dans cet article, le choix a été fait de s’intéresser à des activités productives qui donnent du sens au travail. Actuellement, parmi les jeunes souhaitant se réorienter, la volonté de donner davantage de sens à son travail fait partie des motifs les plus fréquents[2] et la tendance est globalement la même chez les personnes actives de tout âge[3].

Cet article prolonge une recherche qui a identifié certaines dimensions constitutives du sens du travail pour les salariés dans le contexte de l’entreprise où ils travaillent[4] : la possibilité de se sentir utile, les relations professionnelles comme possibilité de s’inscrire dans un collectif de travail et la réalisation de soi comme possibilité d’autonomie. En re-questionnant ces grandes dimensions du sens du travail, il s’agira d’analyser la manière dont il peut se construire dans l’activité concrète du travailleur, en fonction de la division du travail et du niveau de productivité de l’organisation productive dans laquelle il se place.
Ces liens seront éclairés à travers un cas particulier, celui d’une ferme qui fonctionne comme un écosystème en milieu rural, la ferme des M. où une enquête par entretiens a été menée en 2024[5]. La question de la critique des logiques productivistes y est très présente de façon transversale dans les pratiques et dans l’organisation du travail[6]. Nous avons observé la manière dont ces travailleurs, qui ont déjà quitté des entreprises productivistes du secteur agricole ou de la restauration notamment, construisent leur sens du travail en mettant en pratique ces valeurs. Cette mise en pratique se fait en lien avec la
