International

Vers l’État-archipel au Sahel

Politiste

Le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM) est aujourd’hui aux portes de Bamako, et il gouverne une bonne partie de l’hinterland malien et burkinabè ainsi que l’ouest du Niger. Le JNIM a su tirer parti du réservoir de frustrations et de rancœurs accumulées contre l’État malien, qui a échoué à faire tenir ensemble des espaces géographiques, politiques et sociaux discontinus.

Au Sahel, la promesse postcoloniale d’États centralisés forts et déployant leur autorité sur l’ensemble de leur territoire, incarnée dans les années 1960 par des leaders tels que Modibo Keita, n’a pas été tenue. Son avatar contemporain porté par les régimes militaires en place depuis 2020 encore moins. Cette promesse n’est peut-être pas tenable du tout et les mouvements jihadistes ont fait de cet échec leur réussite.

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Au début des années 2000, un ouvrage du politiste nord-américain Jeffrey Herbst, States and Power in Africa, a proposé une explication parcimonieuse et stimulante des vicissitudes variables que connaissent les États africains postcoloniaux en matière d’intégration nationale et de cohésion sociale. Un des arguments de l’ouvrage repose sur les configurations géographiques et démographiques plus ou moins complexes à négocier dont héritent les États africains au moment des indépendances. Ce déterminisme à deux dimensions n’explique évidemment pas à lui seul l’occurrence de conflits civils sur le continent. Le défaut principal de l’argument de Herbst est qu’il relègue au second plan le travail politique constant des acteurs de la vie publique et leur capacité à surmonter ou non les embûches structurelles placées sur leur chemin.

Herbst pose néanmoins de manière assez crue et objective les défis de la construction étatique : faire un État avec des populations dispersées et séparées du centre du pouvoir par des obstacles naturels difficiles à franchir (forêts, montagnes, déserts…) est une affaire qui ne va pas de soi. D’une part, les populations des périphéries peuvent ne pas se reconnaître dans les autorités centrales et préférer, par exemple, interagir avec des communautés géographiquement et culturellement plus proches, quitte à ce qu’elles se trouvent sur un autre territoire. Ainsi, au Mali, les villes de Kidal ou Gao sont très dépendantes commercialement de l’Algérie. D’autre part, intégrer ces populations dans l’espace national – y « projeter l


Yvan Guichaoua

Politiste, Chercheur en analyse des conflits internationaux au Bonn International Centre for Conflict Studies