Culture

Quelle économie pour les travailleur·euses de la scène ?

Chercheuse en littérature française

La performance littéraire vient remettre en question l’auctorialité classique des poètes et des performeurs. Elle vient aussi et surtout bousculer nos conceptions de la rémunération des créateurs. Si la poésie et la performance était classiquement pensées comme des activités peu rentables, les pratiquant.es de cette nouvelle discipline osent de plus en plus poser la question – jusqu’ici tabou – des nombreux coûts de la performance.

La littérature se vit de plus en plus en dehors du livre, et ce qu’on regroupe aujourd’hui volontiers sous le terme de « performance littéraire » laisse une place grandissante aux femmes et aux minorités en général. Ce qui était autrefois réservé à un groupe d’initiés, de poètes à la notoriété relativement confidentielle, gagne du terrain en dehors de la pratique expérimentale.

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Le statut des auteur·ices se voit ainsi redéfini par les activités entreprises en dehors de l’écriture, comme le soulignent les travaux des sociologues de la littérature Gisèle Sapiro et Cécile Rabot. Mais si les écrivain·es font autre chose qu’écrire, investissent « le terrain », selon l’expression de Mathilde Roussigné, lors d’ateliers d’écriture, de rencontres ou de performances, alors la rémunération en droit d’auteur·ices ne peut plus suffire. La professionnalisation du métier d’écrivain·e nous oblige à repenser leur rémunération en dehors des ventes de livres. Elle est d’ores et déjà abordée par les principaux·ales intéressé·es : dans Argent (2018), Christophe Hanna rend par exemple compte de quatre années de discussions qu’il a eues avec d’autres poéte·sses autour de leurs sources de revenus, Nathalie Quintane et Jean-Pierre Cometti ont quant à eux codirigé L’Art et l’argent (2017).

Qu’est-ce que la performance littéraire ?

La performance littéraire renvoie cependant à des réalités assez diverses : elle désigne une pratique littéraire à mi-chemin entre la littérature oralisée et l’art performance ; c’est-à-dire tous les cas où le texte est spectacularisé, déclamé, récité, la plupart du temps par son auteur ou son autrice. Un large spectre se déploie : certains textes publiés, parce qu’ils ont été l’objet d’oralisations, peuvent entrer dans le champ de la littérature performée, tout comme les performances qui ne reprennent pas de textes édités au préalable. Historiquement, la performance littéraire se dispute plusieurs généalogies qui reflètent la variété des pratiques contemp


Anna Levy

Chercheuse en littérature française, Doctorante à l'Université Bordeaux-Montaigne