Les aveux de la chair
Parmi la conquérante profusion d’essais que Roland Barthes envisageait d’écrire dans les derniers temps de son existence, figurait, aux côtés d’un Journal du désir et d’un Discours de l’homosexualité, l’ambitieux projet d’une sémiologie du sexuel où trouverait enfin à se dire selon lui « la « personnalité » sexuelle de chaque corps, qui n’est ni sa beauté, ni même son air « sexy » mais la façon dont chaque sexualité s’offre immédiatement à lire. » Nul doute qu’un tel essor théorique vers un lisible de la sexualité pourrait servir d’idéal préambule à la lecture du vif et remarquable Savoir gai que William Marx vient de faire paraître aux Éditions de Minuit. Car il s’agit pour l’essayiste, en écho diffracté à Barthes, d’y offrir les fragments d’un discours homosexuel : où, pour la première fois, se donnent à voir les prolégomènes d’une lisibilité de l’homosexualité – d’une pleine lecture du sexuel comme sexuel.
De fait, comme le prolongement inespéré des tremblants vœux de Barthes, William Marx quitte la stricte critique littéraire dans laquelle il s’était illustré jusqu’ici, pour offrir d’emblée avec Un Savoir gai un propos jusque-là culturellement tu ou sciemment évité : le désir homosexuel, ce nouveau continent noir à la manière de Freud, l’envers du monde de la « race maudite » encore selon Freud. À la croisée revendiquée de la sémiologie et de la phénoménologie, l’auteur de L’Adieu à la littérature s’attache à circonscrire les manifestations de ce désir gai, à en dessiner le champ d’action en clamant combien, sans attendre, « Le sexe est « chose mentale », comme eût dit Léonard. » Car, pour Marx qui revendique l’héritage de Barthes, l’homosexualité, à l’instar de toute sexualité, ne relève pas uniquement d’une simple pratique sexuelle. Le sexuel se donne comme hypertrophie sociale. L’oreille est sexualisée. Le regard est sexualisé. Les doigts sont sexualisés. Le sexuel ne cesse de se répandre en métonymies continues dans le monde. Le sexuel est textuel et culture