Art Contemporain

Bertrand Dezoteux, un artiste barré dans l’espace

Journaliste et commissaire d'exposition

À Gennevilliers, l’artiste Bertrand Dezoteux a pondu un nouveau film d’animation plein comme un œuf de Pâques d’inventions loufoques et de trouvailles visuelles. L’occasion – trop – rare de rire dans l’art, d’un rire aussi simple et franc qu’émerveillé.

A quoi mesure-t-on le degré de civilisation d’un peuple ? Pour Bertrand Dezoteux, seuls deux critères prévalent réellement : la population autochtone pratique-t-elle le français ? Plus important encore : connaît-elle Thomas Pesquet ? Ces questions piège, ce sont celles qu’il fait naître dans la bouche de Jésus Pérez, le héros en bermuda et côte de maille de son dernier film inédit, actuellement présenté à la Galerie Édouard Manet de Gennevilliers. Jésus Pérez – toute ressemblance étant fortuite – débarque un jour de l’an mille sur une planète baptisée « Harmonie » en raison de la colorimétrie pastel de ses monts et vallées mais surtout d’un penchant fort réjouissant qui pousse ses habitants à copuler entre eux, sans distinction de genre ni d’espèces.

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Avec cette fable d’animation jubilatoire et délirante, Bertrand Dezoteux s’aventure du côté d’un sous-genre largement exploité par le cinéma : le space opera. Soit la découverte d’une nouvelle planète, de son mode de vie et de ses rites. Citons, dans cette catégorie, l’immense « Solaris » de Tarkovski, « Dune » de David Lynch et plus récemment « Avatar » ou « Alien », qui tous mettent en scène cette exploration sur orbite.

Mais loin de la culture blockbuster, Dezoteux cultive de son côté un (mauvais) goût très assumé pour une branche mineure de la BD SF qui fait de l’odyssée spatiale et de l’initiation en territoire inconnu le récit épique. Et a fait depuis longtemps de l’espace son terrain de jeu favori.

Dans « Picassoland », l’opéra cosmique qu’il imagina à partir de l’ensemble « Parade » que Picasso réalisa pour le Théâtre du Chatelet en 1917 en collaboration avec Erik Satie et Jean Cocteau, il crée de toutes pièces une exoplanète caillouteuse colonisée par les totems africanistes de Picasso. Plus récemment, il se penchait sur l’histoire vraie d’une mission russe simulant un vol sur la planète Mars. Frappé par le décalage entre les rêves de conquête futuriste et le confinement vintage dans lequel avaient ét


Claire Moulène

Journaliste et commissaire d'exposition, Responsable du développement culturel de la Fondation Pernod Ricard et rédactrice en chef de la revue « Initiales » (Ensba Lyon)

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