Littérature

Dans le Congo Brazzaville d’Alain Mabanckou, Les cigognes sont immortelles

Critique littéraire et universitaire

Congo Brazzaville, mars 1977, le camarade président Marien Ngouabi est assassiné. Dans Les cigognes sont immortelles, Alain Mabanckou plonge dans une histoire à la fois politique et intime de cet évènement. Et ce nouveau roman au titre énigmatique et soviétique pourrait bien être le plus audacieux d’Alain Mabanckou.

Vingt ans après un premier roman qui lui avait valu le Grand Prix de l’Afrique noire, Alain Mabanckou continue le projet qu’il n’a cessé d’affiner dans la dizaine de romans publiés depuis, à savoir, la représentation de personnages plongés dans des quotidiens et des communautés ancrés dans l’histoire locale, nationale et internationale du Congo Brazzaville. Le tout dernier, Les cigognes sont immortelles, ne fait pas exception, et réaffirme l’efficacité de la plume mabanckienne et le talent de l’homme aux lunettes blanches à faire ressortir, sous l’apparente insignifiance de leur condition, la complexité historique des hommes et des lieux qui l’inspirent. Il s’agit toujours de donner du relief aux expériences vécues et aux identités singulières, comme pour revendiquer à chaque nouvelle livraison le droit des êtres à leur excentricité postcoloniale.

Ce roman confirme aussi le « tournant ponténégrin » de l’auteur amorcé en 2010 avec Demain j’aurai vingt ans et poursuivi avec Lumières de Pointe-Noire et Petit Piment : après des passages par Paris et la France multiculturelle, la ville congolaise de Pointe Noire, lieu de naissance et des premières décennies africaines de l’auteur, semble bien s’imposer comme source d’inspiration et personnage de roman. Les cigognes sont immortelles est le récit de trois longues journées, vers la fin des années soixante-dix, dans un quartier populaire de Pointe Noire.

Au début, tout est en place pour que s’impose doucement la routine d’un samedi ordinaire, où adultes et enfants s’occupent à diverses activités dans le quartier : dans les parcelles familiales, les uns (surtout les hommes) prennent le frais sous le manguier, les autres (surtout les femmes) se préoccupent du repas du soir, d’autres encore (tel le gamin-narrateur) traînaillent à faire des emplettes et à écouter d’une oreille distraite les histoires que racontent les vieux sur le temps d’avant. La seule fausse note émane du transistor Grundig, en fond sonore, qui diffuse depui


Lydie Moudileno

Critique littéraire et universitaire, d'études françaises et francophones à l'Université de Californie du Sud (USC) à Los Angeles

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