God Save Queen – en écho à Bohemian Rhapsody
L’histoire du rock bégaie, comme toutes les histoires. Les critiques cinglantes et sans appel du film Bohemian Rhapsody se justifient surtout par ce qu’il n’est pas et aurait pu être : un opéra rock déglingue, une ode à l’hédonisme crépusculaire de Queen. En revanche, elles sont en phase parfaite avec la verve fielleuse des rock critics à la grande époque du groupe.

Ne pas aimer Queen aujourd’hui ? Un péché contre l’histoire du rock. Aimer Queen à la charnière des années 70 et 80 ? Une trahison du rock. Mais pour qui se prenaient-ils, ces quatre fils relativement aisés et bien éduqués d’une Angleterre en crise [1], avec leur mélange assez inextricable de glam rock, hard bourrin, et pop sophistiquée ? Ce chanteur arrogant, outrageusement androgyne en collants bariolés, trucs en fourrure, œil de biche et déhanchement lascif ? Le journaliste Dave Marsch, dans Rolling Stone, n’y allait pas avec le dos du stylo : « Le premier groupe rock fasciste », commentait-il à propos de We will rock you, ulcéré par ce rock des stades manipulant le public avec l’aisance d’un gourou… ou d’un dictateur.
Face à la réalité des fascismes européens qui montent, cela prête un peu à sourire aujourd’hui : elles nous semblent bien idylliques, ces années 70 et 80 où l’on croyait encore aux jours meilleurs et où la provoc à coups d’insignes fachos tombait dans les scores dérisoires de leurs représentants aux élections. (On aurait dû se méfier, notamment en regardant les stades de l’Amérique latine à l’époque.) Mais, sérieux, fascistes, Queen et leur manipulation du public au petit doigt ?
Si on pose l’hypothèse que le fascisme est indissociable de la haine et de la désignation d’un bouc émissaire, quelqu’il soit, ça tient difficilement. On serait bien en peine de trouver une seule ligne de haine, dans une seule chanson de Queen.
Queen pourrait passer aujourd’hui pour l’avant-garde du macronisme : la start-up Queen avait décidé dès le début qu’elle deviendrait multinationale, ses musiciens rich