Lanzmann, Claude.
À Juliette Simont.
Lanzmann est mort. Claude est mort. La même personne. Le même référent. Et pourtant un infini les sépare : cette mesure impondérable qu’on appelle, précisément, la vie. La première phrase est du côté de l’information ; la seconde du côté de la douleur. La première du côté de l’histoire ; la seconde du côté du cœur. La première est dans la bouche de tous ; la seconde à la racine d’une conscience singulière, dans cet espace sans place qui rattache un être sentant à lui-même et qui fait que certains événements peuvent être, comme on dit si justement, déchirants. Déchirants non pas parce qu’ils coupent, séparent, défont une continuité, mais au contraire parce qu’ils rendent ce nœud qui nous attache à nous-mêmes sensible par la manière même dont il devient insupportable : ils nous font sentir que nous sommes ici, irrémédiablement, dans les coordonnées infiniment précises de notre existence, sans possibilité de sauter hors de soi ou de flotter au-dessus de son corps comme ces esprits des morts dont la superstition dit qu’ils assistent d’en haut à ce qu’on fait à leur cadavre… Lanzmann est mort. Claude est mort. Et nous restons. Mais rester veut dire ici que notre être est tout entier tissé dans l’étrange substance que constitue l’écart entre ces deux énoncés : Lanzmann est mort, Claude est mort…
Lanzmann est mort. Pour certains, la phrase est indifférente. « Tiens ? Lanzmann est mort… Chérie, tu veux bien me passer le sel ? » C’est un petit fait qui a eu lieu quelque part dans le monde et dont on prend note sans savoir vraiment pourquoi. On n’a, littéralement, rien à en faire, aucun usage. Sinon l’enregistrer, par acquit de conscience journalistique, degré zéro de l’appartenance à un monde commun dans la modalité propre à notre civilisation, le journal. Signe court, parole sèche, aussitôt disparue qu’énoncée. Elle se confond avec son énonciation : il fallait le dire, c’est dit, on peut passer à autre chose. Pour d’autres, sans doute, l