Art Contemporain

Leurs amours interstitielles – sur une exposition de jeunes peintres

Philologue

L’exposition « Mais pas du tout, c’est platement figuratif ! Toi tu es spirituelle mon amour ! » rassemble les œuvres de sept peintres, liés d’amour, qui évoluent ensemble depuis dix ans. Il y a dans leurs œuvres comme une légèreté d’être, une volonté de peindre la vie, un désir joyeux et le goût de l’expérience. Cette ferveur, nous pouvons nous l’approprier et y voir les prémices d’une expérience amoureuse de la vie.

Les meilleures expositions ne sont pas seulement des expositions. Elles sont des œuvres en soi, des expérimentations, elles dépassent les limites de la simple présentation de choses pour devenir une expérience. Leur histoire est un genre universitaire qui s’est développé lors des vingt dernières années, donnant lieu à de nombreuses monographies, à des catalogues, des historiques. Mais une exposition n’est jamais aussi belle que quand elle donne à percevoir des émotions, des relations, des rapports : quand l’on sent dans les œuvres la vie, dans la technique le sentiment. « Mais pas du tout, c’est platement figuratif ! Toi tu es spirituelle mon amour ! », l’exposition conçue par Anaël Pigeat et Sophie Vigourous avec des œuvres de Jean Claracq, Cecilia Granara, Nathanaëlle Herbelin, Simon Martin, Madeleine Roger-Lacan, Christine Safa et Apolonia Sokol. Ils ont tous trente ans, un peu plus ou un peu moins. Ils se sont rencontrés aux Beaux-Arts de Paris. Et ils sont peintres.

L’exposition ouvrit le 26 janvier 2019, date de la mort de Michel Legrand, et, autant qu’aux Demoiselles de Rochefort, dont le titre est extrait, c’est aux « Moulins de mon cœur » que l’on pense en regardant les œuvres de ces jeunes gens qui ont étudié ensemble, vécu ensemble, travaillé ensemble, se sont vus chercher et découvrir, et se sont trouvés. Il y a dans leurs œuvres comme une légèreté d’être, une volonté de peindre la vie — c’est-à-dire, la figure vivante. Une vision du corps nu, sexuel — Nout, INES d’Apollonia Sokol, Sœur, de Nathanaëlle Herbelin.

On peut retracer les inspirations : déceler ici du Klossowski, là l’influence de Francesco Clemente, voire celle d’une peinture française qui aime les aplats, apprécie que la couleur se fasse surface. On admire l’extraordinaire virtuosité technique de ces jeunes peintres. Qui a dit que la peinture était morte ? On contemple des œuvres, qui témoignent d’une vie intérieure méditative et fantasmagorique – La femme montagne de Madeleine Roger-Lacan,


Donatien Grau

Philologue