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Faire littérature avec les classes populaires – sur Le Peuple à l’écrit de Nelly Wolf

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En ce début de XXIème siècle, internet a offert à un vaste public les moyens de l’écriture. Pourtant ce phénomène n’est pas nouveau : depuis les « stratégies d’alphabétisation » des lois Guizot, en passant par « le moment prolétarien de la littérature » de l’entre-deux-guerres, littérature et peuple n’ont cessé de chercher à se rencontrer et se comprendre. Nelly Wolf pose dans un nouvel ouvrage la question de l’insertion des « scripteurs ordinaires » dans le champ littéraire mais aussi de leur acceptation par les auteurs issus de milieux sociaux plus favorisés.

Il fallait un ouvrage de synthèse, sérieusement mené, pour dire ce que le surgissement démocratique a fait à la littérature : c’est ce que Nelly Wolf avait déjà livré en 2003 avec son livre Le Roman de la démocratie, publié aux Presses Universitaires de Vincennes. Prolongeant cette réflexion primordiale, l’auteure s’attaque désormais aux multiples rencontres que connurent la littérature et le peuple, entités qui ne cessèrent, au XXe et en ce début de XXIe siècle, de chercher à se comprendre.

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Les auteurs convoqués sont nombreux, et c’est heureux. Comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage, nous irons de « Flaubert à Virginie Despentes » sans pour autant voir défiler les paragraphes consacrés aux tracés populaires chez chacun de ces auteurs. Soucieuse de nourrir l’histoire littéraire mais aussi de rendre pleinement le contexte sociologique et intellectuel dans lequel une œuvre prend son élan, Nelly Wolf procède à un ensemble de micro-lectures où les auteurs déjà présentés viennent servir de point d’appui pour l’étude d’un nouveau venu. Et réussit l’exploit de dresser un panorama assez complet sur cette question en moins de deux cents pages.

« L’évidence d’une démocratisation des pratiques scripturales éclate au moment de la Première Guerre mondiale ». C’est à ce moment-là, que l’on assiste à la structuration d’un « profil populaire ou prolétarien » en littérature.

« Après la Révolution française les classes laborieuses et les gens ordinaires se sont emparés des pouvoirs de l’écrit. À mesure que progressait la scolarisation, des populations entières jusque-là éloignées du savoir graphique ont eu accès à ses symboles et à ses signes. Non seulement les nouveaux scripteurs se sont familiarisés avec les pratiques rédactionnelles domestiques et privées (correspondance, agenda, liste) mais ils se sont infiltrés dans les sphères lettrées et savantes ou se sont mis à interagir avec elles : ils ont adressé des lettres aux auteurs, aux journaux, ont tenu un journal


Matthieu Rémy

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