Cinéma

Western dystopique pour satire politique – à propos de Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles

Critique

Entre attente et jubilation, Bacurau est un film d’hybridation. Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles mêlent le suspense rationnel d’un thriller (qui tue et pourquoi) et l’irrationalité d’un futur proche dans lequel les meurtres ont des agents mais pas de cause, faisant régner une atmosphère saisissante : celle d’un réalisme magique où l’on se retrouve parachuté dans un bain d’anomalies parfaitement intégrées à la fiction.

Prix du Jury à Cannes, Bacurau est un film-fusion, vorace et baroque, un film-dragon, qui aurait avalé l’actualité fascisante du Brésil de Bolsonaro pour en recracher avec jubilation une critique féroce, cachée dans les plis d’un western futuriste, d’un conte populaire, et d’un slasher movie. Collusion truculente de multiples genres cinématographiques, Bacurau est une fresque ample qui, sous l’apparence d’une fable-thriller isolée dans le Nordeste, dénonce à l’acide une certaine modernité politique. Son foisonnement épuise, pour notre joie de spectateur, à l’avance ses épithètes.

C’est le dragon qui nous attrape, dès ses premières images, au magnétisme immersif : une kyrielle de cercueils démantibulés jonchent la route unique qui mène à Bacurau, petit village éponyme, fictif, situé au milieu des étendues sèches du sertaõ. Egrenés anarchiquement sur la bande d’asphalte, ces cercueils vides suggèrent que quelque chose cloche, mais pas suffisamment pour que s’arrêtent Teresa, jeune femme métisse, médecin, de retour à Bacurau pour l’enterrement de sa grand-mère, matriarche du village, et le chauffeur du camion qui l’accompagne.

De cet étonnement qui en reste là nait une atmosphère saisissante, celle d’un réalisme magique où, parachuté dans un bain d’anomalies parfaitement intégrées à la fiction, la réalité de celle-ci semble légèrement dévier de sa route sans pour autant se dérégler complètement. Stupéfaction inquiète, sentiment d’un danger non-identifiable imminent : le film, dès ses premiers plans, installe son climat oppressant de normalité traversée d’invraisemblances, d’habitudes familières qu’un clinamen onirique vient fissurer. De ce prélude voluptueusement oppressant, on ne sait plus ce qui l’emporte : pressentiment de la menace ou séduction de l’inattendu, ambiguïté qui envahit le film et fait la force de son éblouissante première partie, toute en tension sourde, où les phénomènes distillent, goutte par goutte, leur étrangeté.

Un mystérieux psychotrope que les


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