Damer le pion aux clichés – à propos de The Queen’s Gambit
Le succès rencontré par la série Le Jeu de la dame (traduction maladroite de The Queen’s Gambit) est venu remettre les échecs sur le devant de la scène médiatique. Depuis quelques semaines, ce jeu fait l’objet d’une intense couverture par la presse généraliste, avec une dimension rarement égalée depuis les parties jouées au cœur de la guerre froide. Malgré son image de loisir élitiste, les échecs connaîtraient un regain de popularité. Cette popularité est-elle vraiment une nouveauté ou est-ce que l’excellent accueil de la série s’inscrit dans un processus de longue durée ?
Le synopsis des sept épisodes est relativement simple, mais efficace. La série suit le parcours d’une prodige des échecs de son enfance à sa consécration. Jamais reconnue par son père et orpheline de mère, Beth Harmon (incarnée par Anya Taylor-Joy) se retrouve à l’âge de huit ans dans un orphelinat du Kentucky où elle apprend à jouer aux échecs et devient dépendante aux anxiolytiques distribués aux jeunes pensionnaires. Une fois adoptée, elle participe à ses premiers tournois et entame une ascension triomphante dans le monde échiquéen, tout en se débattant avec ses addictions (médicaments et alcool). Le récit s’inscrit dans une chronologie particulière, entre les années 50 et 60, et s’achève par une évocation de la domination soviétique sur l’arène échiquéenne et du rôle déterminant des échecs dans la rivalité opposant l’URSS aux États-Unis.
La série oscille habilement entre clichés et questions sociologiques inhérentes aux échecs.
Saluée unanimement par le monde des échecs pour sa qualité (et la promotion du jeu qu’elle offre opportunément), la série, réalisée par Scott Franck et Allan Scott, oscille habilement entre clichés et questions sociologiques inhérentes à ce jeu. Nombre de grands maîtres internationaux ont pointé la trop rapide progression de Beth Harmon qu’on ne voit quasiment jamais perdre. Cet aspect irréaliste – aux échecs, on apprend dans la défaite – a pu cependant paraî