La Ronde de Boris Charmatz, remède à l’acédie
Des projets contrariés naissent parfois des épiphanies. Le 16 janvier dernier, après un an de rêves avortés et d’incertitudes, Boris Charmatz présentait enfin sa Ronde dans un Grand Palais vide, totalement offert aux caméras et au ciel. Du lever du soleil rose flamboyant aux flocons de neige qui voilèrent quelques instants la verrière, l’espace tout entier semblait coïncider pour faire de ce moment unique un événement bien au-delà du cercle des aficionados de danse contemporaine. La représentation n’a lieu qu’une seule fois ; une boucle de vingt et un duos pour un peu plus de trois heures de spectacle répétés quatre fois, soit douze heures ininterrompues de l’aube à la nuit.
Peu importe alors la démesure des premières idées abandonnées, peu importe les compromis, les difficultés de répétitions, le chorégraphe parvient à créer un spectacle-monde, une chaîne contagieuse où les corps, humbles, se frayent un passage dans l’immensité de la nef.
Un documentaire, « Boris Charmatz face au Grand Palais », sera diffusé en parallèle du spectacle pour raconter cet accouchement à rebondissement, mais en se voulant très didactique, il déflore un peu vite l’essence de ce qui advient au final. L’œuvre se suffit et ne nécessite pas d’exégèse tant elle sait s’exprimer avec force, humour et émotion par elle-même. Là se niche le coup de maître du chorégraphe, parvenir avec une forme exigeante à magnifier tous les corps en scène par la diversité des expressions et leurs confrontations à un environnement hors norme. Ce vaisseau déserté que le regard ne peut appréhender pleinement ressemble étrangement, en ce jour glacial de janvier, à cette chape invisible qui nous retient reclus depuis un an. On se sent dépassé, incapable d’en mesurer l’ampleur.
L’ouverture, très intimiste, donne le ton : herses est l’un des premiers spectacles de Charmatz, qu’il danse ici avec Johanna Elisa Lemke, un des plus intimes et crus aussi. Deux corps nus qui luttent autant qu’ils s’étreignent, l’un