Communauté de mots invisibles – sur Lettres non-écrites de David Geselson
Il faut imaginer un visage. Celui d’un être aimé, disparu, parti, inconnu ou honni. Que voudrait-on lui dire à ce visage qui nous vient, à ce fantôme qui nous accompagne ? La réponse semble évidente. Elle l’est bien souvent. Ces lettres non-écrites disent tout. Elles débordent de tout ce qui n’a jamais été dit.
L’anonymat de leurs « auteur·ice·s », celui aussi de leurs destinataires, rend l’adresse plus intense. Dans ces lettres, tout est permis. La déclaration définitive, le crachat d’une haine absolue, la bouteille à la mer. Peut-être est-ce cette mise en écriture propre à David Geselson – qui avait certainement, dès le début, dans l’idée de les restituer sur une scène – donne à ces lettres cette tonalité si entière, cette dimension d’urgence vitale à dire. Comme des mots qui ont longuement attendu leur moment. Et qui sortent dans toute leur puissance.
Puisque ces lettres sont avant tout présentées comme étant « non écrites », on pourrait se demander à partir de quel moment elles commencent véritablement à exister. Au moment de l’écriture ? Ou de leur lecture ? Car il y a dans chacune de ces lettres une impérieuse nécessité d’être lue, d’être dite. Non seulement à son ou sa destinataire, mais à un public que l’on prendrait comme témoin.
Ces lettres non-écrites ne sont pas présentées comme ouvertes mais elles le sont incontestablement. Malgré l’intimité dont elles sont empreintes, elles sont faites pour toucher tout le monde. Elles vivent, ces lettres, dans le même temps que nous.
Il y a dans chaque mot choisi cette nécessité de la démonstration, ce qui, là aussi, leur confère une autre intensité. Ce texte existe pour une personne qui existe pour quelqu’un et c’est ce qui le rend vivant. Cette mère qui écrit à son enfant jamais né, cette fille qui écrit à son père parti, ou celle encore qui s’adresse à cette mère inconnue, toutes ces personnes existantes avec leur souffrance, leur manque, leur vie vécue, disent ce qu’elles ont à dire. Une bonne fois pour