Cinéma

Démocratie en construction – à propos de Douce France de Geoffrey Couanon

Critique

Dans Douce France, qui sort ce mercredi 16 juin au cinéma, le documentariste Geoffrey Couanon filme une classe de lycéens enquêtant sur l’installation du projet Europa City sur le Triangle de Gonesse. À l’inverse des films-catalogues d’initiatives, le réalisateur reste au plus près de ces jeunes enquêteurs, du processus de construction de leur conviction, et montre qu’il n’y a pas d’âge pour avoir voix au chapitre.

Réalisateur, Geoffrey Couanon anime aussi des ateliers dans des lycées de Seine Saint-Denis et du Val-d’Oise. Douce France trouve ainsi ses racines dans un projet pédagogique mis en place avec le concours de plusieurs enseignants du lycée Jean Rostand de Villepinte : proposer à une classe de 1ère ES d’enquêter sur un projet d’aménagement devant se déployer à une vingtaine de minutes de leur ville, sur les terres agricoles du Triangle de Gonesse, pour donner le jour à un parc de loisirs et de commerces, Europa City (le tournage a eu lieu en 2017, avant l’abandon du projet par le gouvernement en novembre 2019).

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Parmi les premières scènes, les élèves sont en classe, regardant des vidéos pour commencer à se familiariser avec la question, se positionnant pour ou contre le projet au fil des échanges d’arguments. Une séquence se clôt sur un élève qui donne son avis : le centre commercial apportera de la nouveauté dans leur vie et, l’environnement, lui, il s’en fiche. Plus tard, un nouveau personnage s’enthousiasme devant le projet : « Vu que c’est grand il y aura des concerts là-bas ? Vas-y je suis pour ! »

Ces positionnements rapides, presque spontanés, disent bien a contrario quel est l’un des objectifs de l’enquête, à savoir passer des intérêts ponctuels, individuels, à un tableau d’ensemble. Et le point de départ de Douce France lui confère à la fois plusieurs intérêts et une certaine efficacité. Le travail effectué par les lycéens recouvre en effet un double processus, qui concerne à la fois l’objet et les sujets de l’enquête : d’une part, réunir des informations à travers un travail de documentation et de rencontres, d’autre part, mettre en jeu une évolution des enquêteurs eux-mêmes.

Dans une certaine mesure, les lycéens peuvent apparaître comme des relais : leurs discussions avec les différents acteurs qui s’agglomèrent autour du projet, défenseurs comme opposants, auraient aussi bien pu être effectuées par le cinéaste lui-même. Or, la force de Douce Franc


Romain Lefebvre

Critique, Co-fondateur de la revue « Débordements » et chargé de cours à l'université

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