Exposer Boltanski
C’était en 1997. Je connaissais Christian Boltanski depuis quelques années et, à l’époque, directeur des expositions du Palais des Beaux-Arts de Charleroi, je lui avais proposé de faire une exposition dans les salles dont j’avais la charge. Poliment mais fermement, Christian Boltanski avait décliné sans toutefois justifier son refus de manière précise mais en expliquant qu’il avait déjà réalisé trop d’expositions dans de nombreux musées.
Ce n’est que bien plus tard que je devais découvrir une phrase qui donnait tout son sens à cette attitude : « Je ressens les musées comme étant des lieux totalement faux. La plupart du temps, personne n’y a dormi, personne n’y a vécu, personne n’y a réellement travaillé. »

Cette conviction de la place que tenait son travail le conduisait à refuser non pas l’invitation mais le lieu de l’invitation qui transformerait inévitablement la perception de l’œuvre qui y serait réalisée.
Devinant son propos, je lui proposai de visiter le Grand-Hornu lors d’un passage en Belgique. C’est ainsi que Christian Boltanski découvrit la « grange à foin » de l’ancien site du charbonnage du Grand-Hornu, non loin de Mons. Avec quelques amis, nous tentions de sauver cet ensemble architectural remarquable, témoignage d’une vision utopique du début du XIXe siècle, en y réalisant des expositions, des concerts …, persuadés que la beauté du lieu méritait nos efforts.
Christian Boltanski accepta de concevoir une œuvre.
« Ici la région est horrible, défigurée, mais elle dégage aussi une force, une vraie beauté qui vient du mélange des gens, des cultures ? C’est une beauté humaine. »
Les choses alors se déroulèrent simplement. Christian Boltanski demanda s’il existait des archives ; on découvrit des carnets de travail de femmes et d’enfants dans un centre spécialisé, la Société des Archives Industrielles du Couchant de Mons. Christian Boltanski demanda si nous pouvions acquérir des boîtes métalliques ; on découvrit dans la région liégeoise une ferblanter